Avant d'arriver à son Live Earth de samedi dernier, show de 24 heures jailli de huit métropoles du monde, et étincelant de 150 stars internationales, Al Gore a été dans une précédente vie le décideur clef de ce que l'on appelé « les autoroutes de l'information », matrice de l'Internet. « L'écoleader », comme on l'appelle maintenant, a pris sur lui de monter la plus vaste entreprise de sensibilisation et d'alerte sur les méfaits du réchauffement climatique qui sape la planète Terre. Alors que les USA et la Chine – les plus grands pollueurs de la planète - n'ont pas signé les Accords de Kyoto, seul instrument international portant le lourd credo d'y remédier. Al Gore et sa méga entreprise ont crée le "plus grand événement musical au monde". L'audience multimédia escomptée est de 2 milliards de spectateurs. Le show Live Earth a été diffusé à la télévision dans une centaine de pays et sur Internet avec cette règle de promotion : "Nous faisons en sorte qu'il soit très difficile d'éviter notre message !"De plus, in vivo, de Johannesburg, à Rio de Janeiro, en passant par Shanghaï et Sydney, Tokyo et New York, des spectateurs ont assisté à des shows de stars à la hauteur de Madonna ou Genesis. A ces auditoires se sont ajoutées plus de six mille fêtes de soutien, orchestrées dans pas moins de cent dix-neuf pays. Clou de pédagogie écologique : la réalisation des concerts elle-même donne l'exemple écologique. Par le respect de la carbon neutrality (neutralité en émissions de gaz carbonique) et l'usage des énergies alternatives. Ainsi les générateurs au biodiesel sont encouragés. De même que l'option résolue, sur les sites des concerts a été vers le choix de matériaux (poubelles, etc.) biodégradables et recyclables. "Live Earth, aux yeux de Gore, repose sur l'idée qu'il faut faire circuler cette information sur la crise, et les solutions, à chaque citoyen de la planète, à tous ceux que nous pouvons atteindre". Avec son partenaire Kevin Wall ils ont annoncé la Live Earth Pledge, un canevas de plan d'action, pour "des gestes simples que les gens peuvent adopter dans leur vie quotidienne". Gore, orfèvre des autoroutes de l'information a lancé le programme de signature d'une promesse par les citoyens du monde sur son site : www.liveearth.org. Son principe est : "Si assez de gens se rassemblent pour lutter contre la crise du climat, les entreprises et les gouvernements seront forcés d'agir, eux aussi. » Il n'a pas manqué d'exhiber des partenaires décideurs en Amérique même : la présidente de l'Assemblée, Nancy Pelosi, et le chef de la majorité du Sénat, Harry Reid, ont apposé leur signature à la promesse. Cependant au milieu de la débauche d'artifices, des musiciens ont souri de pessimisme, comme Roger Daltrey des Who, ancien du Live Aid de 1985 et du Live 8 de 2005, sur « toute cette consommation d'énergie !" L'économiste et philosophe Amartya Sen, maintenant de soixante treize ans, a consacré, lui, une bonne partie de ses travaux aux questions de pauvreté, d'équité et de bien être dans le monde. Il a, ces dernières décennies où le communautarisme a fait des ravages de replis identitaires, produit de lumineuses idées sur « la guerre des civilisations ». Son récent essai Identité et violence. L'illusion du destin (Odile Jacob, Paris) rend moins aveugle face aux mirages tracés par les lampions du Village planétaire. Ses idées n‘auront pas autant de force de frappe via les réseaux télévisés de la globalisation ni l'Internet. C'est dommage parce qu'il s'insurge avec tant d'à propos et d'humanisme contre tout simplement des mentalités chauffées à bloc par la funeste idéologie anglo-saxonne du communautarisme. « Les théories grossières ont toujours exercé un fort pouvoir d'attraction, écrit-il, parce qu'elles ne demandent pas d'effort particulier pour être comprises. Comme dit ce poème anglais, « certains préfèrent siffler que penser, parce que penser est bien plus compliqué que siffler » C'est le grand mystère des périodes d'hystérie collective telles que nous en vivons depuis le 11 septembre 2001. »