Hocine Aït Ahmed, président du FFS et un des acteurs du mouvement national, a appelé, dimanche soir à la salle omnisports de Aïn Benian (banlieue ouest d'Alger), à la mobilisation des Algériens. Avec cette finalité : « Renouer avec Novembre et l'esprit de Novembre. » Aït Ahmed, accompagné de Abdelhamid Mehri, autre acteur de la guerre de Libération nationale, et de Mouloud Hamrouche, fils de chahid et ancien chef de gouvernement, a estimé que le GPRA est le seul gouvernement dépositaire de la légitimité. « Il est le seul à avoir bénéficié d'un plébiscite populaire. Après l'indépendance, on est passé d'une logique d'Etat à une logique de pouvoir », a-t-il estimé. Selon lui, l'Etat algérien d'aujourd'hui est similaire à celui du temps colonial. Il rappelle tous les interdits imposés aux Algériens pour ne pas jouir de leurs libertés. Au lendemain de l'indépendance, au lieu d'un Etat, les Algériens ont eu un pouvoir. Il n'y a pas de gouvernement sans la souveraineté du peuple », a estimé Mouloud Hamrouche. Il a relevé qu'au lendemain de l'indépendance le dispositif juridique de la période coloniale a été reconduit. « On a hérité des lois d'exception et des pratiques de l'ordre colonial. On a oublié que ce dispositif est répressif. Contre le peuple... », a-t-il lancé devant une salle comble. L'échec, pour Abdelhamid Mehri, qui fut ministre dans le GPRA, est de n'avoir pu construire un Etat. « La solution est d'étudier l'expérience qui a mené à l'indépendance du pays. L'important n'est pas d'examiner les itinéraires personnels, mais les conceptions politiques qui ont conduit à la victoire », a-t-il dit. Mehri a noté que la décision de recourir aux armes contre l'occupant français était d'abord politique, « même si le facteur militaire était essentiel ». Aït Ahmed a prévenu contre la tendance de mettre en valeur les actes militaires liés au 1er Novembre au détriment des aspects politiques. Pour Mouloud Hamrouche, Aït Ahmed, qui a présidé l'Organisation spéciale (OS), n'est pas un militaire, mais un politique. « La décision de prendre les armes contre le colonialisme n'était pas celle des militaires », a-t-il appuyé. L'action politique, selon lui, a été complétée par la lutte armée. Aux yeux d'Aït Ahmed, la conscience nationale est née en avril 1944 lors de la célèbre réunion de Nadi El Mouloudia à laquelle ont pris part, entre autres, Ahmed Ben Bella et Ferhat Abbas. Aït Ahmed a rendu hommage à la remarquable « intégrité intellectuelle » de Ferhat Abbas. Reprenant Abane Ramdane, Mehri a rappelé qu'il fallait fournir les armes au peuple et « rassembler » les forces politiques au sein d'un seul cadre pour gagner la guerre. Expliquant l'absence de pluralisme après 1954, Aït Ahmed a estimé qu'il est difficile de coordonner l'action de plusieurs partis en temps de guerre. Il a cité l'exemple de l'éclatement du front antinazi en Yougoslavie lors de la Seconde Guerre mondiale. « Mais au sein du FLN, il y a eu toujours débat », a-t-il souligné en évoquant l'apport des communistes algériens à la Révolution. Salima Ghezali, journaliste, qui a modéré le débat, a soulevé la question de la violence et l'action politique pacifiste. Mouloud Hamrouche a fait une analyse sur la violence et la liberté. « La politique permet une dynamique sociale d'arbitrage et préserve les libertés des uns et des autres », a-t-il relevé. Il a souligné l'absence en Algérie d'une justice qui tranche dans les conflits et la négation des libertés par le Pouvoir en place. L'inexistence d'un Etat médiateur favorise, selon lui, le recours à la violence comme forme d'expression. Soulignant l'incapacité du régime de consacrer l'ouverture démocratique dans le pays, après 1989, Aït Ahmed a rappelé que le directeur de cabinet du président Chadli avait « torpillé » les réformes que le gouvernement Hamrouche avaient tenté d'introduire. Le président du FFS, qui est préoccupé par la situation actuelle du pays, a évoqué le climat d'insécurité régnant en Kabylie. « Ils veulent pousser les jeunes à basculer dans la violence. Il ne faut jamais tomber dans la violence, c'est ce qu'ils recherchent », a-t-il prévenu. « L'état d'urgence, imposé au pays depuis douze ans, est vécu comme une situation naturelle pour les Algériens, considérés comme des indigènes », a-t-il poursuivi. « La démocratie n'est pas une idéologie. C'est un instrument qui permet d'organiser l'accès au pouvoir, l'alternance au pouvoir et le contrôle des citoyens de ce Pouvoir », a expliqué Hamrouche. Il a relevé que depuis 1991, aucune loi protégeant les libertés n'a été promulguée. Mehri, qui fut secrétaire général du FLN, a noté qu'après l'indépendance le Front a été utilisé comme un instrument de « protection » du Pouvoir. « Le véritable pluralisme est fondé sur l'autonomie totale des partis. Partis libres de se réunir, de dialoguer et de débattre dans un cadre démocratique », a-t-il ajouté. Rendant hommage aux « deux géants de notre histoire » que sont Mehri et Aït Ahmed, Hamrouche a estimé que leur apport est important pour aider la société à se « libérer » des forces de l'archaïsme et de la peur. « Notre peuple est privé de sa liberté de choisir », a-t-il dit. Mehri a plaidé pour la « libération » de l'histoire de la Révolution. « Il faut militer pour la vérité historique », a-t-il dit. Evoquant la question des droits humains, Mehri a rappelé que le GPRA avait respecté les conventions de Genève (sur les prisonniers de guerre) et s'était opposé aux actes de torture. « Les leçons du 1er Novembre sont, pour nous, d'éviter la guerre civile et l'impasse politique. D'autant plus qu'il s'agit d'un précédent historique et d'un exemple unique », a déclaré Aït Ahmed. « Rien n'est impossible en temps de paix puisque, en temps de guerre, nous avons fait des miracles. Nous avons choisi notre camp. Et notre camp, c'est vous », a-t-il ajouté.