Les habitants des immeubles de la cité Ameziane à Constantine n'en finissent pas de broyer du noir, à cause des conditions d'exiguïté, dont ils souffrent depuis des lustres, vivant dans des habitations dotées d'une seule pièce et d'une cuisine, totalement en décalage avec la réalité structurelle de la famille algérienne, généralement à composante nombreuse. Ce sentiment claustrophobique , bien qu'il soit diffus, existe bel et bien chez la majorité des locataires des immeubles de la cité Ameziane, bâtisses appelées pompeusement « batimat » (bâtiments), en contraste avec les constructions basses des alentours. Historiquement, ces immeubles jouxtant la cité Boudraâ Salah ont été bâtis en 1958, « lors de la prise de pouvoir par De Gaulle et son fameux Plan de Constantine, lancé en vue de couper l'herbe sous les pieds de la révolution. En fait, ces logements n'ont été conçus que comme des pied-à-terre, tout juste bons pour recevoir les ouvriers travaillant aux chantiers des immeubles Ciloc, présentement Kaddour Boumeddous, pour promouvoir l'habitat dans le cadre du plan précédemment cité », nous renseigne un septuagénaire bien au fait de la genèse de ce qu'on peut appeler donc une base de vie. « Mais, dès le départ, la durée de vie des bâtiments ne devait pas excéder une dizaine d'années, car en cours des travaux, les autorités coloniales se sont rendu compte qu'une importante nappe phréatique gisait sous le sol du bâti ».A l'indépendance, les immeubles en question ont abrité, sous le sceau de l'urgence, la vague des populations des communes environnantes, qui fuyait la misère et les privations. En 1975, les pouvoirs publics ont manifesté le désir de détruire ces bâtiments et récupérer l'assiette, afin d'y ériger d'autres, plus à même de répondre aux nouveaux besoins, sauf que ce projet est resté un vœux pieux reporté sine die. Aujourd'hui, aussi bien l'aspect extérieur totalement désuet et insalubre de ces habitations que les pièces, qu'on devrait plus justement appeler « étouffoirs », sont loin de convenir à une vie, un tant soit peu digne et propre.