Exclus depuis 1991, les députés kurdes retournent au Parlement turc à la faveur des résultats des élections législatives anticipées du 22 juillet. Ankara (Turquie). De notre envoyé spécial Ils sont représentés par 24 députés du Parti de la société démocratique DTP, élus cependant sous l'étiquette d'indépendants afin de surmonter le barrage des 10% exigés aux partis pour siéger au Parlement. Le coup est excellent. Sans cela, le DTP, soupçonné de soutenir le PKK, considéré comme une organisation terroriste par le pouvoir turc dont l'armée, et des pays étrangers comme les Etats-Unis et l'Union européenne. Lors de la campagne électorale, les candidats kurdes se sont engagés à aller vers la paix et la réconciliation. Ils se sont tous déclarés pour l'ouverture d'une nouvelle page. Cela s'annonce difficile. Mais les Kurdes de DTP comptent beaucoup sur la volonté affichée par le parti majoritaire AKP qui les a encouragés avant et pendant la campagne. Grâce d'ailleurs à sa politique de rapprochement avec le DTP, Erdogan et ses compagnons ont réussi à rassurer et gagner une bonne partie de la population kurde qui a voté pour son parti. Cela lui a permis de glaner plus de 40% des voix dans la ville de Diyarbakir, chef-lieu du Sud-Est anatolien. En fait, les votants de cette ville ont été partagés entre les indépendants — de DTP — (plus de 50%) et AKP. Triomphalement réélu, Recep Tayyip Erdogan, président du Parti de la justice et du développement (AKP), issu de la mouvance islamiste, promet de régler définitivement « le problème kurde ». Arrivera-t-il à le faire ? Il est difficile de répondre, surtout lorsqu'on sait que les deux autres formations, CHP (nationaliste) un peu et MHP (extrême droite) surtout ne veulent pas de Kurdes au pouvoir. Les bagarres et les coups de gueule ont déjà commencé le jour de l'élection où il y a eu des affrontements entre militants du parti kurde DTP et ceux du MHP. Mais aussi, l'AKP, qui bénéficie d'un sursis de l'armée, n'est pas sûr de pouvoir convaincre cette dernière de ne pas passer à l'offensive au Kurdistan irakien afin de couper le PKK de ses bases arrière. Les troupes militaires turques sont actuellement cantonnées le long de la frontière avec l'Irak attendant le feu vert du Parlement. Si Erdogan refuse de donner le feu vert, cela vaudrait qu'il relance les querelles antérieures avec l'institution militaire qui, jusque-là, ne s'est pas encore exprimée. Dans le cas contraire, cela pourrait être interprété comme une « trahison » par les Kurdes qui sont dans l'expectative. M. Erdogan pourrait cependant jouer sur le facteur temps en exigeant des députés de DTP de condamner le PKK. Mais cela est-il possible au moment où la tension monte au Kurdistan, où l'insurrection séparatiste s'est ravivée ces derniers mois ? Le Premier ministre Erdogan a engagé auparavant de timides réformes qu'il a mises en veilleuse lorsque les accrochages ont repris en 2004 entre l'armée et les groupes insurgés. Il va devoir juguler la violence des séparatistes. Mais comment ?