Il ne reste désormais qu'à connaître le verdict dans l'affaire du séisme de mai 2003 qui est en train d'être jugée au tribunal de Boumerdès depuis le 10 juillet, après avoir été reportée de 15 jours, le 25 juin dernier. Boumerdès. De notre bureau Les plaidoiries des avocats assurant la défense des 37 accusés parmi les 38 cités dans l'arrêt de renvoi (un est en fuite) ont pris fin hier en début de soirée. En fin de journée, c'était au tour des avocats de l'EPLF de se succéder au prétoire pour plaider l'innocence du PDG de l'entreprise, poursuivi, au même titre que tous les autres accusés, pour « homicide involontaire, blessures involontaires, fraude dans la qualité et la quantité des matériaux de construction et non-respect de la réglementation » pour les dégâts enregistrés dans les cités des 252 Logements des Issers, les 122 Logements de Corso et les 10 Logements de Sidi Daoud. Des chefs d'inculpation que ses avocats ont tenté, tour à tour, de réfuter. Des expertises à la hâte Premiers parmi les défenseurs de Selkim à prendre la parole, Me Benbarah a commencé par mettre l'accent sur « les dommages moraux et matériels que risque de subir cette entreprise qui emploie plus de 1300 personnes à cause de ces poursuites infondées qui ont visé sa tête ». « Ces pratiques qui sont en porte-à-faux avec les efforts du président de la République tendant à donner une bonne image du pays à nos partenaires étrangers risquent d'avoir des conséquences graves », a dit l'avocat. Il s'attaquera ensuite à la composante des deux commissions ministérielles qui ont « enquêté » sur les causes de l'effondrement des bâtisses, le 21 mai 2003, dans toute la wilaya de Boumerdès. « La première commission a travaillé durant 15 jours et la seconde durant un mois seulement, sur des dizaines de sites répartis sur tout le territoire de la wilaya, alors que dans le seul site de l'Eriad de Corso, l'expertise qu'a effectuée le professeur Chelghoum avec son équipe a duré plus de 14 mois », a-t-il ajouté afin de faire ressortir « la différence entre un travail exécuté par un professionnel, un scientifique et celui fait par des groupes hétérogènes dont les membres n'ont même pas les qualifications requises pour ce genre de missions ». A ce sujet, Me Benbarah a dit qu'« étant donné que le ministère de l'Habitat est une partie dans cette affaire, ses conclusions ne peuvent pas être objectives ». Pour contredire les conclusions de ces commissions, l'avocat s'appuiera sur les propos tenus par le professeur Chelghoum, selon lesquels les véritables causes de l'effondrement des bâtiments dans certains sites sont à rechercher dans la nature du sol. La défense conclut par conséquent à l'incrimination des commissions administratives des choix des terrains à bâtir et le laboratoire national de la construction et de l'habitat qui effectue les analyses du sol. Au sujet de Selkim, l'avocat dira qu'« il est poursuivi pour homicide et blessures involontaires dans la cité des 10 Logements de Sidi Daoud où il n'y a eu ni morts ni blessés, du fait que les logements n'étaient pas encore habités ». « Il est également jugé pour l'effondrement de bâtiments à Corso et aux Issers dont l'infrastructure avait déjà été totalement réalisée lorsqu'il est arrivé à la tête de l'EPLF en 1991 », explique-t-il encore. L'avocat ajoute que « ces bâtisses se sont effondrées à cause de trois éléments : le mauvais choix du terrain, la qualité douteuse du béton et l'inadéquation du règlement parasismique de 1988 ». « Trois segments où l'accusé n'est pas intervenu », dit-il. L'avocat de l'EPLF dit également que le chef d'accusation de « fraude dans la qualité et la quantité et non-respect de la réglementation » ne peut s'appliquer à son mandant, du moment que l'entreprise a des contrats avec des maîtres d'œuvre. « Si fraude de cette nature il y a, la première victime est inévitablement l'EPLF, victime de ses contractants », ajoute Me Benbarah. Du rond à Béton importé d'Ukraine L'avocat rejette aussi les reproches de « mauvaise gestion », en rappelant le parcours de l'entreprise qui est passée d'une dizaine d'employés en 1986 à plus de 1300. « Et tout cela grâce au sérieux et à l'abnégation de son PDG », appuie-t-il. Pour prouver que « tout se faisait dans les normes et correctement », l'avocat a remis au juge « trois boîtes supplémentaires contenant tous les procès-verbaux de réunion, de contrôle, les conventions passées avec les partenaires de l'EPLF et les carnets de suivi des chantiers ». Au sujet de la qualité des matériaux, l'avocat de l'EPLF a dit que ceci est un problème qui relève d'autres services de l'Etat. Avant lui, Me Sahraoui avait nommément cité le ministère du Commerce dans les cas où le fer de mauvaise qualité a été utilisé. « Qui a importé ce rond à béton d'Ukraine ? », lance-t-il en direction de Redouane Benabdallah, dont le professionnalisme a été salué par la totalité des avocats présents à ce procès. Me Sayeh, défendant l'entrepreneur qui a réalisé la cité SNTF de Corso, a rappelé que « selon les rapports des deux commissions gouvernementales et les expertises judiciaires, les causes de l'effondrement des bâtisses sont la force du séisme, les mauvaises analyses du sol (lorsqu'elles existent) et l'inadéquation du règlement parasismique ». Me Benbraham a déclaré au juge que les fortes précipitations enregistrées en 2003 ont contribué à rendre le sol meuble et a dit qu'« un document d'expertise datant de 1954 recommandait de classer la région en zone 3 ». « La responsabilité totale et entière incombe aux hauts responsables de l'Etat qui n'ont pas fait ce qu'il fallait faire », tranche-t-elle, tout en se demandant pourquoi Boumerdès et pas Alger où les dégâts sont, à différents égards, tout aussi importants, sinon plus lourds. Tous les avocats ont, bien entendu, demandé la relaxe pour leurs mandants. Pour rappel, le représentant du ministère public a requis des peines d'emprisonnement de 3 et 2 ans à l'encontre de 33 et 2 accusés respectivement, toutes assorties de 100 000 DA d'amende. Il a requis l'acquittement pour les trois autres prévenus.