Les déclarations de Mebarki «ont été arrachées sous la torture», selon la défense. La mutinerie de Serkadji qui a défrayé la chronique en 1995 n'est pas près de connaître son épilogue. Le procès ouvert pour la première fois en 1998 et rouvert au courant du mois de juillet promet des révélations fracassantes. «Des vérités seront dévoilées et des têtes vont tomber si la liberté de la justice est respectée.» La plaidoirie de Me Mecheri Bachir, l'avocat de Hamid Mebarki, le principal accusé, a fini par convaincre le juge du tribunal de Sidi M'hamed, lequel a décidé, pour la quatrième fois, de renvoyer l'affaire à la prochaine session criminelle. Hier, tout le monde était présent au tribunal d'Alger. Les avocats, les membres du jury, la partie civile et bien sûr, dans le box des accusés, le gardien de l'établissement pénitentiaire. Près d'une cinquantaine de témoins cités dans l'affaire ont répondu présents. Mais cela n'a pas été suffisant pour relancer le procès. A cette longue liste il manquait le juge d'instruction ayant mené l'enquête, le directeur de Serkadji et son adjoint, les prisonniers qui ont assisté à la prise d'otages dans la nuit du 12 février, des témoins «clés» exigés par la défense pour alléger la peine de prison à perpétuité, prononcée en 2001 par le même tribunal contre Hamid Mebarki. 10h: Le jury accède à la salle du tribunal et commence par appeler un par un les témoins concernés. Avant de donner la parole à la défense. M. Mecheri Bachir monte au créneau «c'est un simulacre de procès, une véritable poudre aux yeux. La défense refuse de prendre part à cette mascarade» et à Mecheri d'ajouter: «j'annonce que la défense va se retirer si vous décidez de juger aujourd'hui cette affaire». Il est interrompu par le juge: «Etes-vous en train de menacer la cour?», «non, précise-t-il mais nous avons des responsabilités devant les victimes et tout le peuple algérien». Me Mecheri, qui n'a pas manqué de faire le parallèle entre ce procès et celui intenté contre le président irakien déchu, a précisé que Mebarki était libre d'opter pour un autre collectif d'avocats «s'il estime que cela est nécessaire». Mebarki refuse l'offre et réitère sa confiance en Mes Boumerdassi et Mecheri. Mebarki promet des révélations «graves». Le procureur général intervient à son tour pour battre en brèche les arguments de la défense. «Le report ne servira à rien, l'affaire a été déjà jugée et la vérité dévoilée au grand jour.» Le procureur se réfère aux déclarations de Mebarki et aux procès-verbaux pris au lendemain de la mutinerie. «Nous n'avons pas besoin d'entendre d'autres témoignages tout est dit sur cette affaire», invitant par là-même M.Mecheri à une meilleure collaboration, et à faire plus confiance à la justice algérienne. «Apparemment le verdict est déjà prêt» lance M.Mecheri. Pour la défense, les procès-verbaux n'ont aucune crédibilité parce que les déclarations de Mebarki «ont été arrachés sous la torture». Quant aux deux premiers procès «ils n'ont, à notre sens, aucune crédibilité». Mecheri explique aussi dans sa longue plaidoirie que Mebarki lui a fait des révélations graves, des «vérités qu'il avait cachées jusqu'ici pour protéger des parties» sans préciser la nature ou l'identité de ces dernières. C'est le retour donc à la case départ. Ce qui est logique pour Me Boumerdassi qui estime que sans les témoins sus cités, l'affaire n'aurait aucun sens. Cette dernière nous informe aussi que les convocations ont été transmises paradoxalement aux domiciles des prisonniers alors que la règle aurait exigé que les télégrammes soient envoyés au niveau des établissements pénitentiaires concernés. 10h 35: Le jury se retire pour se pencher sur la question du report. Les témoins sont appelés à quitter la salle. Un silence lourd pèse sur les lieux. Mebarki a l'air d'être plutôt calme. L'homme n'a apparemment rien à perdre. Sa mère, une septuagénaire qui n'a raté aucun de ses procès cultive un espoir très faible. De leur côté les familles des victimes, de moins en moins nombreuses, espèrent que ce procès dévoilera une fois pour toutes tous les secrets de ce massacre. 12h: Le juge annonce la décision de renvoyer l'affaire à la prochaine session criminelle. «Ce sera probablement pour le mois de novembre» précise la défense. Le 21 juillet dernier, ce même juge avait averti la défense et l'inculpé que «l'affaire passera quelles que soient les conditions». Toutefois, aucune explication n'a été donnée sur les raisons de l'absence du juge d'instruction et du directeur de la prison de Serkadji. Quel genre d'information détient la défense qui pourrait changer le déroulement de l'affaire? La question reste en suspens en attendant l'ouverture du procès.