Jamais une soirée n'a été aussi chaleureuse, chaude et avenante. Le théâtre antique de Timgad qui était bondé, a retenti dans une atmosphère empreinte d'allégresse et d'enchantement. La liesse était totale et jamais le public n'a autant dansé, ne s'est autant éclaté, tous étaient de la partie donnant libre cours à leur joie sans aucune retenue. Timgad : De notre envoyé spécial L'entame du spectacle a été un moment inouï, assuré par une troupe venue de Relizane et qui a été, ravissement oblige, un instant de radieuse délectation. La gaâda de la troupe de Ouled Ali, avec ses rythmes conjugués au ton précieux des bendirs et agrémentés de la résonance des karakabous, a comblé ce public qui n'a pas démérité et qui s'est soumis et a été complètement saoulé par ces chants et ces medhs, sortis droit des entrailles du patrimoine musical traditionnel. Ils étaient plus d'une trentaine de jeunes, assis en cercle autour de leur maître pour, dans une connivence heureuse, mêler leur voix et entonner des complaintes à la gloire d'Allah, des saints et même de la nation. Habillés de gandouras scintillantes de cette blancheur qui raconte la pureté, celle des profondeurs sourdes de l'âme, ils s'ingéniaient dans un élan fiévreux à fouiller par la magie de leurs incantations mélodieuses, les cœurs, les conquérir et les inviter à embarquer pour un voyage aux cieux. FLa transe n'est plus un égarement alors, mais un affermissement harmonieux, une élévation mystique qui purifie les âmes et qui en cette soirée unique a emporté dans son sillage et de ses vagues ce public affable et merveilleux. La deuxième partie du spectacle a fait découvrir aux spectateurs batnéens un grand artiste plein de talent et d'une humilité incroyable. Venu du Maroc avec sa formation, il a sillonné les continents pour partager le bonheur des communautés maghrébines installées à l'étranger pour leur faire goûter les joies du terroir. Mokhtar Jadwan, avec sa voix à la Doukali, son imposante stature, avait de la classe et de l'élégance et en un tour de chant, il emballa le public et moment sublime l'entraîna au gré d'une métrique fébrile mais ô combien subtile et raffinée, lui faisant au-delà du plaisir, atteindre les hauteurs. M. Jadwan, qui reste l'un des rares interprètes de la chanson amazigh marocaine dans ses trois répertoires dialectales, nous, confiera après son concert, qu'il a vécu un moment qui comptera beaucoup dans sa carrière artistique et avec une grande intransigeance il dira : « Pour préserver notre patrimoine musical, nos racines, le meilleur moyen pour résister à la globalisation et aux pressions du show-biz, c'est encore l'interpréter nous-mêmes, de faire cet effort et militer pour la sauvegarde de ce patrimoine qui est celui de toute l'humanité. » Mokhtar Jadwan ajoutera en parlant de sa propre expérience : « J'ai mis plus de huit mois pour apprendre un texte de chanson en amazigh, c'était difficile mais pas impossible. » Pour finir, l'artiste qui avait gardé durant tout son spectacle le drapeau algérien sur les épaules, promet de revenir et pourquoi pas, de chanter avec des artistes algériens comme il l'a déjà fait avec Idir qu'il estime et apprécie beaucoup. Pour sa prestation sur la scène du théâtre de Timgad, nous n'avons qu'une chose à lui dire : bravo l'artiste !