Le président du Front des forces socialistes (FFS), Hocine Aït Ahmed, a affirmé hier qu'il n'était pas contre le principe d'une rencontre avec le président Bouteflika. A la question de savoir quelle réponse il pourrait réserver à une invitation pour une rencontre émanant du chef de l'Etat, M. Aït Ahmed a précisé, lors d'une conversation à bâtons rompus avec les journalistes, en marge de la veillée électorale organisée par l'organisation américaine National Democratic Institute (NDI) au Centre international de presse d'Alger (CIP) pour suivre le déroulement de l'élection présidentielle américaine : « Je n'ai jamais refusé de rencontre à condition qu'elle soit bien préparée. » Plus précis, le président du FFS a indiqué que sa participation à de tels événements « requiert, outre l'aval du reste de la direction de son parti, la définition entre autres d'un ordre du jour ». M. Hocine Aït Ahmed profitera par ailleurs de l'occasion pour démentir les informations diffusées par la presse, avant les élections du 8 avril, ayant laissé entendre qu'il a eu des entrevues avec le président de la République à Genève. Des journaux avaient même évoqué, rappelle-t-on, la conclusion d'un deal entre Hocine Aït Ahmed et Abdelaziz Bouteflika. Et pour beaucoup, cette hypothèse a été confortée par la sévère critique par le leader du FFS, dans un entretien donné à El Watan et à El Khabar à la veille de l'élection présidentielle, de Ali Benflis. Le seul officiel que le leader du FFS a reconnu avoir rencontré est l'actuel ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni. La rencontre a eu lieu, a-t-il toutefois précisé, durant les années 1970 et au moment où M. Zerhouni était le n°2 de la Sécurité militaire (SM), l'ancêtre du Département du renseignement et de la sécurité (DRS). L'objet de la rencontre ? Hocine Aït Ahmed a expliqué qu'elle avait servi à faire comprendre, aux décideurs de l'époque, la nécessité d'aller vers la démocratie et le pluralisme politique. S'exprimant dans une atmosphère détendue et pour sans doute répondre aux rumeurs insistantes qui parlent d'une rencontre imminente entre lui et le président de la République, le leader du FFS a tenu également à dire que son retour au pays ne sort pas du cadre de la célébration du 50e anniversaire du déclenchement de la Révolution. Une époque où il fut un acteur de premier plan. Tout en annonçant la publication, dans les prochains jours, de son livre Guerre après guerre, l'ancien responsable de l'OS s'est ainsi employé à expliquer « le message de Novembre » quand les questions, trop souvent ciblées des journalistes, le permettaient. Invité à donner son opinion concernant l'idée du président de la République d'aller vers une amnistie générale pour refermer la parenthèse de la crise qui a fait 100 000 morts et « bâtir une réconciliation globale », le leader du plus vieux parti de l'opposition a répondu spontanément qu'il préférait ne pas en parler. « Je préfère ne pas en parler », a-t-il dit. M. Aït Ahmed s'en tient-il aux positions exprimées la veille par son parti sur la question ? C'est ce qu'il faut probablement croire. Le FFS a, rappelle-t-on, estimé mardi qu'« aucun prétexte ne peut justifier l'amnistie sans passer par la justice ». Le FFS et l'amnistie générale « Si on doit traiter la question de la violence, aucune amnistie ne peut apaiser la situation politique, sociale et économique sans un véritable dialogue avec toutes les forces de la société », a déclaré, à ce propos, Karim Tabou, le porte-parole du FFS. L'avis exprimé par le FFS sur la question de l'amnistie générale est partagé globalement par les associations des parents victimes du terrorisme et des familles de disparus et les partis politiques. Ces derniers considèrent, en effet, que les compteurs ne peuvent pas être remis à zéro et que les responsables de crimes et de dépassements ne sauraient être blanchis « sans un assainissement de la situation des droits de l'homme et des disparitions (enlevés ou forcés) et le lancement d'une dynamique de paix ». Titillé sur les événements en Kabylie, Hocine Aït Ahmed - dont l'arrivée à l'improviste au CIP à une heure très tardive de la soirée de mardi a beaucoup surpris - a déclaré avec le sourire en coin que « la crise en Kabylie n'existe pas et (que) les archs ne représentent rien ». Pour lui, les événements vécus par la région sont comparables au « coup d'Etat de 1992 qui ne visait pas à faire barrage aux islamistes ». Cette région, a-t-il dit, « a été installée dans l'instabilité pour la discréditer et avoir raison de son combat pour la démocratie ». Disponible et très à l'aise dans son costume panaché, l'ancien diplomate du FLN historique a également bien voulu s'exprimer sur la crise vécue par sa formation. Sans nier l'existence d'une crise, M. Aït Ahmed a toutefois tenu à minimiser et à banaliser la nature des problèmes... que tous les partis rencontrent. Il a lié, par ailleurs, les tiraillements que connaît sa formation avec l'environnement difficile dans lequel évoluent les partis. A ce propos, M. Aït Ahmed a mentionné que les travaux du conseil national qu'il aura à présider aujourd'hui seraient justement consacrés à trouver des solutions. Une source proche du parti annonce que le successeur de Mustapha Bouhadef au premier secrétariat du parti, M. Laskri, présentera à cette occasion son staff et son programme. L'essentiel des membres de l'équipe sortante, ajoute la même source, aurait été reconduit. Avant de partir, M. Aït Ahmed a eu quelques mots sur la presse algérienne. Une presse, a-t-il dit, qu'il lit et qui oscille entre le bon et le moins bon. Mais au-delà, le problème reste, selon lui, le mensonge. « En Algérie, a-t-il regretté, on ne sait pas ce qu'est le mensonge parce que l'on ment tout le temps. »