Les guerres mènent plus loin que ne peuvent parfois le penser ceux-la mêmes qui les envisagent, jusque dans les détails les plus infimes. Ainsi en est-il de l'Irak, immense réservoir de pétrole devenu objet de convoitises, et non plus un instrument au service des Irakiens. Ou de quelques-uns peut-être qui rêvaient de gloire et de conquêtes. Ceux-là partis, rien n'autorisait une telle déchéance puisque c'est le cas de le dire au sujet des Irakiens, pratiquement retombés au Moyen-Age avec le retour de maladies éradiquées il y a des décennies, une absence d'eau potable, une absurdité pour un pays traversé par deux immenses fleuves, le Tigre et l'Euphrate. Ou encore, et cela depuis l'invasion américaine en 2003, un besoin accru d'aide internationale. Une aberration pour ce pays. Mais telle est l'amère vérité. Les violences en Irak masquent effectivement une grave crise humanitaire qui touche près d'un tiers de la population, soit huit millions de personnes, et risque d'accroître le chaos de la guerre, ont déclaré hier Oxfam et d'autres organisations non gouvernementales irakiennes et internationales. Dans un rapport alarmant distribué à Amman, Oxfam et les autres ONG notent que la situation est pire, dans certains cas, qu'avant l'invasion américaine de 2003, et reprochent à la communauté internationale d'avoir quelque peu délaissé l'aspect humanitaire du drame irakien. « Tandis qu'une violence horrible domine la vie de millions de gens ordinaires en Irak, une crise d'un autre type, due, elle aussi, à l'impact de la guerre, évolue lentement », notent les ONG. Le texte appelle la communauté internationale à « relever le défi humanitaire » pour « huit millions de personnes (qui) ont un besoin urgent d'aide ». « Ce chiffre comprend quatre millions (de gens) qui ne sont pas nourris régulièrement et ont besoin de différentes sortes d'aides humanitaires », ainsi que plus de deux millions de déplacés dans le pays et autant de réfugiés, notamment en Syrie et Jordanie, ajoute ce rapport de 45 pages. Selon le document, « 43% des Irakiens souffrent de pauvreté absolue ». Les enfants sont les plus atteints et leur situation a empiré depuis la guerre. « Le niveau de malnutrition infantile est passé de 19% avant l'invasion dirigée par les Etats-Unis en 2003 à 28% aujourd'hui », dit-il. Le nombre d'Irakiens sans accès adéquat à l'eau est passé de 50 à 70%, ajoute-t-il. Il souligne que les Irakiens souffrent de plus en plus d'un manque de nourriture, d'abris, d'eau, de sanitaire, de soins médicaux, d'éducation et de travail. « Si les besoins essentiels sont négligés, cela déstabilisera encore plus le pays », avertit le rapport. Oxfam et les autres ONG reprochent à la communauté internationale d'avoir quelque peu oublié la population dans son effort en faveur de l'Irak. « Le gouvernement irakien, les donateurs internationaux et le système des Nations unies se sont concentrés sur la reconstruction, le développement et les institutions politiques, négligeant la dure lutte quotidienne pour la survie à laquelle sont confrontés de nombreux » Irakiens, disent-elles. « En dépit des contraintes engendrées par la violence », ceux-ci « peuvent faire davantage pour offrir une assistance humanitaire afin de réduire les souffrances inutiles », souligne le rapport. Les ONG s'inquiètent aussi d'un exode des cerveaux qui pénalise des services publics déjà insuffisants, notant que « des milliers de personnels de santé, enseignants, ingénieurs hydrauliques et autres cadres sont forcés de quitter le pays ». Elles estiment que fin 2006, 40% de ces cadres avaient fui l'Irak. Oxfam a établi ce rapport en coordination avec NCCI (NGO Coordination Committee in Iraq) un groupe de 80 ONG internationales et 200 ONG irakiennes formé au lendemain de la guerre de 2003. Si un tel document recense et analyse les effets de la guerre actuelle, il demeure évident que celle-ci n'a fait qu'aggraver une situation que les Irakiens vivent depuis 1990, soit depuis que des sanctions internationales ont été imposées à leur pays, et que celui-ci subit des attaques ponctuelles ciblant ses infrastructures.