« Authentique et sincère. » On peut qualifier ainsi le film A Bahraini Tale du réalisateur Bassam Edhaouadi d'après un scénario de Farid Ramdane, nouvelliste, adapté d'un roman de Ala El Assouani. La jeune expérience cinématographique de ce petit pays du Golfe – il n'en est qu'à son 3e long métrage après al hadjez (l'obstacle) et Eza' ir (le visiteur) – révélée lors de ce Festival du film arabe qui s'est déroulé à Oran, mérite une attention particulière. Comme l'aura exprimé l'interprète du rôle de Fatima, Meriem Zimane, en marge de la présentation du film : « le cinéma est la mémoire d'un peuple », cette œuvre inscrite dans le temps, la fin des années 1960, nous fait découvrir, au-delà de l'intrigue, l'âme de tout un peuple qui, au-delà de ses désillusions et de ses différences, reste uni par l'espoir d'un avenir meilleur. « La condition féminine est très difficile dans mon pays et, même si des avancées ont été réalisées, il reste beaucoup à faire comme dans beaucoup d'autres pays mais chacun avec ses spécificités », estime l'actrice à qui on a confié le rôle tragique d'une femme qui a fini par s'immoler par le feu pour refuser le destin que la société lui a tracé en la forçant à s'éloigner de l'homme qu'elle aime, en la mariant à un tyran qui la traite comme un objet sexuel, bien mis en évidence dans le film. La violence caractérise également le père autant à l'égard de la fille que de la mère, mais le film ne se limite pas au cliché de la femme victime dans la société qu'il veut décrire car il insère cette donnée réelle dans tout l'univers politique qui caractérise au moins cette période de son histoire. Une jeunesse révoltée qui croit à l'idéal d'une vie meilleure, politiquement à gauche, même si le parcours est jonché de désillusion. L'un d'eux meurt pour ses idées et un autre (Mbarek Khemis) doit y renoncer, du moins momentanément car accablé par le malheur de perdre en même temps sa bien-aimée, son ami et la défaite du nassérisme. Dans une scène, le livre le Capital (ras el mal) de Karl Marx est bien mis en évidence. La défaite, puis la mort du zaïm égyptien, une véritable icône au Bahreïn de l'époque, a eu une incidence immense sur le moral de la population. « Ma mère dédiait à la radio des chansons de Abdelhalim Hafez à Djamel Abdennasser », confie le scénariste Farid Ramdane, présent au festival. Le film est d'autant plus intéressant qu'il ne tourne pas le dos aux différences religieuses qui caractérisent ce pays. Un père refuse de donner sa fille en mariage à un homme qui l'aime parce qu'il est chiite. Les deux vont devoir affronter leur destin et fuir pour vivre. La présence juive n'est pas, non plus, ignorée. « Aujourd'hui, les juifs siègent au Parlement et ce sont en général les plus aisés », poursuit le même scénariste, expliquant cet aspect. Dans le film, un personnage juif exprime avec force son attachement et son appartenance au pays. « Vous préférez placer vos capitaux à l'étranger au lieu de participer à l'effort de guerre », lance un personnage du film, affecté par la défaite. Le nassérisme en trame de fond n'apparaît pourtant que comme un prétexte, car l'histoire de ce microcosme est vue sous le prisme du regard d'un enfant, un témoin idéal car sans doute désintéressé comme le sont les films indiens (un autre clin d'œil) décrits par le propriétaire du petit cinéma : du chant, de la danse et de l'action. C'est sans doute pour cela que les décors sont particulièrement intimistes et où on ne voit que très rarement les lignes d'horizon. Beaucoup d'intérieurs et de gros plans comme si, pour rattraper le retard, avec la prise de conscience de l'importance de l'image, le cinéaste veut tout dire d'un jet en pénétrant l'âme bahreïnie. Premier film de l'histoire de l'Arabie Saoudite En faisant appel à une équipe internationale des pays arabes, Abdallah Al Mohissen n'a sans doute pas voulu endosser à lui tout seul la responsabilité d'offrir à son pays, l'Arabie Saoudite, le premier film de fiction de son histoire. Justement, la fiction est tellement poussée loin (le titre l'ombre du silence étant lui-même évocateur) qu'on a évacué toute référence à ce pays véritablement arabe et berceau de l'Islam. L'histoire se passe dans une citadelle au milieu du désert où est installé un laboratoire (el maâhed, dirigé par un directeur, Sid Ahmed Agoumi) qui est supposé formater les cerveaux des prétendants à occuper des postes dans les ministères de pays non identifiés mais aussi, neutraliser de manière machiavélique les opposants. Il fallait rester au maximum dans le vague, peut-être pour ne pas perturber une certaine quiétude. A la question pourquoi il n'existe pas de cinéma en Arabie Saoudite, posée en aparté, le réalisateur qui joue dans le film est resté muet. « Voilà un début », s'est-il contenté de dire presque en murmurant. Ahmed Rachedi, co-scénariste et producteur, n'a pas été d'un grand secours. Il faut un début à tout et dans ce pays où il n'existe pas (pas encore) de salles de cinéma, l'aventure ne fait peut-être que commencer.