La crise que vit actuellement le marché de la pomme de terre ne s'explique pas seulement par le fait de l'apparition du mildiou qui dévaste les récoltes depuis le mois d'avril dernier, mais aussi à cause de la qualité de certains fongicides importés utilisés notamment pour les besoins de cette campagne antimildiou. Destinés, en effet, à détruire ce champignon, ces produits n'ayant pas la teneur en oxychlorure de cuivre homologuée, sont, de l'avis de Boukerroucha Boualem, PDG de l'entreprise publique Alphyt (l'Algérienne des phytosanitaires), « les premiers responsables de cette catastrophe ». Selon M. Boukerroucha, « ces fongicides importés par des distributeurs véreux n'ont aucun effet sur la prévention. Compte tenu du prix du cuivre (7900 dollars la tonne), aucun fongicide efficace avec des teneurs homologuées ne peut être vendu sur le marché aux prix actuels sauf si les pourcentages en cuivre dans le fongicide sont divisés par deux ou trois, et le résultat est alors connu ». Dans la gamme des produits phytosanitaires à usage agricole, Alphyt produit plusieurs fongicides comme le Sofral, le Toutia, l'Oxycure 50% et le Maxitam, mais ces derniers sont vraisemblablement « boudés » puisque les pouvoirs publics ont plutôt recours aux fongicides importés et utilisés actuellement dans la lutte contre le mildiou. D'après les affirmations du PDG d'Alphyt, personne n'a pris contact avec son entreprise. « C'est nous-mêmes qui avons pris l'initiative d'envoyer une équipe de spécialistes qui a rencontré le président de la Chambre agricole de la wilaya de Aïn Defla. » Même scénario concernant la lutte contre la leishmaniose, affection parasitaire en pleine recrudescence dans notre pays depuis ces toutes dernières années. A ce titre, l'on apprendra du PDG de l'entreprise Alphyt que « les autorités concernées préfèrent s'approvisionner auprès de distributeurs et importateurs sans procéder à un contrôle quelconque, alors qu'aucun produit proposé sur la marché national ne peut égaler la Deltamitrine WP 2,5, mise sur la marché par Alphyt en septembre 2006 qui possède une matière active de 99,2%, exempte d'impuretés ». A ce titre, M. Boukerroucha envisage de saisir les responsables du secteur de la santé afin d'attirer justement leur attention à ce sujet. Notre interlocuteur nous a, à ce propos, affirmé que des impuretés telles que le toluène, suspecté par certains scientifiques d'être une substance cancérigène, le benzène et le formaldéhyde sont présents dans les produits importés actuellement et destinés à la lutte antivectorielle, notamment la leishmaniose. La problématique des « poisons nécessaires » Qualifié de substance « dangereuse », le toluène n'est pas utilisé, selon M. Boukerroucha, dans les produits fabriqués par son entreprise et sa présence plausible, selon lui, dans les matières premières, est décelée et réglementée systématiquement par une analyse de spectrométrie de masse. Et en dépit de la présence de ces impuretés, les pouvoirs publics recourent aux produits importés qui peuvent s'avérer dangereux pour la santé publique, ignorant complètement ceux fabriqués en Algérie. Outre cela, le PDG de l'entreprise Alphyt tire également la sonnette d'alarme au sujet de ce qu'il qualifie de « poisons nécessaires » que sont les pesticides. L'on apprendra, à cet effet, que « les résidus des pesticides dans les produits alimentaires constituent un problème, car par suite de l'application de méthodes modernes, ils sont présents par quantités infimes dans presque toutes les cultures ». En sus de cela, le phénomène de la résistance de l'insecte aggrave encore plus celui des résidus, car les premiers stades de la résistance, nous confie-t-il, peuvent être surmontés par l'emploi d'une dose accrue de pesticides. Partant, une surutilisation de produits chimiques toxiques à l'échelle nationale risque de polluer les sols, les nappes d'eau et menacer également la santé de la population. Selon M. Boukerroucha, la teneur de la matière active toxique est très faible dans les pesticides produits par Alphyt (allant jusqu'à 0,008% pour les raticides) qui représentent donc moins de danger pour la santé publique et l'environnement. Cela dit, ces produits doivent nécessairement être utilisés de manière adéquate, pour l'agriculture, avec précaution et en faisant attention aux surdosages. Le PDG d'Alphyt préconise également, toujours dans le cadre de l'utilisation sécuritaire de ces produits toxiques, notamment lors des opérations de démoustication en milieu urbain, de prendre un minimum de précautions (application nocturne, absence de vent et température inférieure à 25 degrés). Des précautions souvent non prises en considération par les responsables concernés, encore moins par les manipulateurs. Que de fois nos cités ont été « démoustiquées » à coups de fumigations... diurnes et avec un mercure affichant les 35°C, voire 40°C ! Eu égard à cette anarchie prévalant à tous les niveaux, notre interlocuteur estime qu'il est urgent d'introduire au plus haut niveau de la décision une réflexion autour d'un plan national de contrôle des produits phytosanitaires, d'autant qu'il n'existe pas, à ses dires, de laboratoire phytosanitaire en Algérie. A ce titre, il s'agit selon lui, de renforcer les contrôles de l'importation, de la commercialisation et de l'utilisation des produits phytosanitaires et d'introduire une réglementation concernant les teneurs minimales de la concentration des pesticides dans le lait, l'eau potable et dans certains aliments de base comme la pomme de terre.