Nous sommes toujours à la fin du Xe siècle et la saga des Sanhadja continue, dans la gloire, le drame et la même obsession de l'unité. La confédération règne alors de Tlemcen à l'Ouest à la Tripolitaine à l'Est. La parole des ancêtres fondateurs de la dynastie Ziride reste le liant de cette page de l'histoire du Maghreb médiéval, autonome, mais en même temps, complètement inscrit dans les divisions qui déchirent le monde musulman entre le Califat abbasside de Baghdad, les Fatimides du Caire et les Omeyyades de Cordoue. Amastan, personnage de fiction, prince ziride, chef de la puissante cavalerie, a mis en place un véritable service de renseignement qui s'étend sur tout le Maghreb et en fait un observateur avisé et lucide. Ce subterfuge de l'intrusion permet à Djamel Souidi, historien et écrivain, de dépeindre l'état des lieux d'un monde finissant. Dans un mélange de rigueur, de sensibilité et de véracité des faits, l'auteur réalise avec ce second roman une œuvre romanesque et historique accomplie. Une voix parmi les Sanhadja porte le récit d'une épopée émouvante, si pleine du souffle et du vacarme de siècles oubliés, l'histoire d'une réappropriation humaine de la mémoire et d'un imaginaire trop longtemps occulté et refoulé. Dans cette saga, suite et fin, Amastan est un personnage blessé, amer qui, même s'il réalise son voyage aux pays du Soudan à la tête de la plus grande caravane jamais organisée jusque-là, ne s'est jamais relevé de la perte cruelle de toute sa famille, dont seul le fils a échappé. A son retour d'une longue traversée du désert, il trouve la confédération des Sanhadja au bord d'une guerre imminente sur son flanc Ouest avec les Zenata, leurs ennemis de toujours. Les prémices de l'irrémédiable déchirement sont là et Amastan ne voit qu'eux, car la rupture tant redoutée avait déjà commencé son œuvre néfaste, son cycle dévastateur. Le reste est l'histoire d'un interminable enchaînement de circonstances dramatiques et de surenchères suicidaires, pour Amastan, une véritable descente aux enfers. Hammad, l'oncle de Badis l'émir des Sanhadja, rompt le serment de l'unité et commet l'irréparable. Après avoir sauvé l'émirat, en dirigeant la guerre contre les Zenata, il finit par fonder sa capitale, la Kalaâ des Beni Hammad, désormais concurrente puis adversaire de la fastueuse Kairouan et de la légendaire Achir. Amastan assiste alors, totalement impuissant, à l'éclatement des Sanhadja, précisément, à la veille d'un XIe siècle qui va bouleverser l'histoire du Maghreb avec l'arrivée massive des Hilaliens. Seul dans une grotte près de Achir, il écrit, désespéré, les dernières lignes d'un mémoire destiné aux générations futures. Leçons d'une vie, après tout fictive, leçon de vie si pleine de l'actualité des pays d'un Maghreb à la recherche de sa mémoire perdue et pas encore retrouvée.