On quitte le tumulte de Bangkok et ses orages grandioses qui enveloppent tous les soirs la ville et on débarque le jour d'après sur les rives suisses solitaires, à l'écart du monde, du lac Majeur. Locarno (Suisse). De notre envoyé spécial Le 60e festival du film de Locarno soulève les passions cinéphiles en ce mois d'août avec 200 films au programme. Locarno ouvre cette année ses portes au Proche et Moyen-Orient. Et à l'Algérie avec un film venu des Aurès, tourné en langue chaouie, par un cinéaste chaoui résidant à Besançon et coproduit par une société basée à Khenchela ! II s'agit de la Maison jaune de Amor Hakkar qui a déjà filmé un beau documentaire Timgad, la vie au cœur des Aurès. La Maison jaune fait partie des 20 films en concours pour le Léopard d'or. II a de grandes chances de décrocher un grand prix. La Maison jaune a laissé une excellente impression d'équilibre, de justesse de ton, de simplicité envoûtante lors de sa projection devant la presse. C'est l'histoire d'un père parti à la recherche du corps de son fils, un jeune soldat de l'ANP, tué au cours d'un accrochage avec une bande de criminels islamistes. Ce film ouvre la blessure et la peine du père. Que faire contre l'infinie douleur de la mère ? Interférences entre fiction et documentaire, il y a de formidables plans sur les paysages des Aurès. On retrouve le réel et combien historique de l'Algérie dans cet aspect de la Maison jaune, ce qui imprime au film une inestimable qualité, que le jury du festival de Locarno pourrait prendre en compte et primer (d'autant plus que les autres films de la compétition ne brillent pas par leur qualité, même s'ils viennent des Etats-Unis, de France, d'Allemagne ou d'Angleterre…). La section Open Doors (portes ouvertes) du festival de Locarno a mis le paquet sur le Liban, la Syrie, la Jordanie et Israël. C'est surtout au Liban que les choses se passent. Le cinéma au Liban semble épargné par la crise. Un amas de bobines de fictions et documentaires jonchent les tables des maisons de production de Beyrouth. En réalité, ce sont des producteurs étrangers qui débloquent les fonds et toute une bande de jeunes cinéastes libanais foncent avec ardeur dans la comète-cinéma. A Cannes, on avait déjà admiré le travail de Danièle Arbid et Nadine Labaki. Celle-ci a fait Caramel et l'a vendu à 50 pays à travers le monde ! L'imagination vive des autres cinéastes libanais a sorti des histoires des ténèbres de la guerre : Michel Kammoun (Falafel), Mai Masri (Yaoumiyat Beyrout, Chronique de Beyrouth), Assad Fouladkar (Quand Myriam a pris le voile), sans parler des autres Khalil Joride (qui vient de tourner avec Catherine Deneuve), Ziad Douciri… La fondation Liban Cinéma fait la promotion. L'argent vient de France, de Belgique, des pays du Golfe. Youcef Chahine a aussi aidé de jeunes cinéastes libanais à travers sa maison de production Misr International. Depuis plusieurs années, à Locarno, la section Open Doors appuie les projets. C'est le gouvernement fédéral suisse à travers la DDC (Direction du développement et de la coopération) qui met des fonds à la disposition des auteurs des meilleurs projets. Grâce à quoi, les histoires naissent et se réalisent au Liban, en Jordanie, en Syrie, en Israël. Ensuite, tous ces films font le chemin inverse et on les retrouve sur les écrans du festival de Locarno, sur les rives du lac Majeur au mois d'août.