C'est un véritable appel de détresse que vient de lancer à partir de la Turquie un groupe d'une vingtaine d'armateurs algériens bloqués depuis plus de huit mois à Istanbul. Ils ont complètement épuisé leurs ressources et sont confrontés à un environnement des plus hostiles. Ce sont des promoteurs dans la pêche qui se sont inscrits dans le programme d'acquisition de navires à l'indicatif du Programme de soutien à la relance économique (PSRE) initié par les pouvoirs publics et confié au ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques. Cette nouvelle affaire d'acquisition de navires de pêche turcs n'est en fait que la suite logique de celle rapportée dans nos colonnes en mars dernier (voir El Watan du 20 mars 2007). Nous relations la prise en otage de 30 chalutiers par les chantiers navals turcs du groupe ANA qui réclamaient une rallonge de 15 à 20% sur les prix pourtant fermes et non révisables selon les contrats signés à Alger sous la caution de la BADR et avec la bénédiction du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques. Les propriétaires de ces bateaux avaient crié au scandale et dénoncé la corruption qui est à l'origine de cette situation. Ils incriminaient directement le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques et la BADR de les avoir délibérément orientés vers la Turquie. Une délégation du ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques comprenant le secrétaire général du ministère de la Pêche a vite été dépêchée à Istanbul pour dénouer la crise. Il semble qu'un arrangement scabreux aurait été trouvé en proposant aux Turcs 600 t de thon sur le quota annuel de 1600 t alloués pour 2007 à l'Algérie par l'Organisation intergouvernementale pour la conservation des thonidés (ICCAT). On ne sait par ailleurs ce que sont devenues les mille autres tonnes restantes qui doivent rapporter au Trésor algérien la coquette somme de 5 millions de dollars. Aujourd'hui, ce sont quatre autres chantiers navals turcs qui ont emboîté le pas au groupe ANA pour piéger les promoteurs algériens. Il s'agit principalement de Turkuaz, Ozguemta, Ketenciler et Ergune, et selon nos interlocuteurs, il y en a d'autres aussi dans le même genre qui figurent sur les listes des registres de commerce qui viennent aux foires d'Alger en force mais qui n'ont pas de chantier proprement dit. Ces sociétés et leurs chantiers se sont volatilisés. Après avoir encaissé l'argent, elles ont déposé leur bilan et déclaré faillite. Certaines sont allées jusqu'à actionner la justice pour hypothéquer et saisir sous leurs propres yeux les biens des Algériens en construction dans d'autres chantiers. Une situation absolument surréelle ! C'est d'avoir cédé au chantage d'ANA, et allez savoir pourquoi, que les autres chantiers ont suivi son exemple. ANA a réclamé de l'argent qu'elle a obtenu d'une manière comme d'une autre. Certains armateurs ne cachent pas qu'ils ont été contraints d'apporter l'argent réclamé pour pouvoir rapatrier leurs bateaux et ils ne cachent pas non plus qu'ils l'ont fait par divers truchements en amenant aussi la banque, la BADR en l'occurrence, à payer sa quote-part de l'investissement. Cela a fonctionné merveilleusement et c'est ce qui a donné des idées aux autres chantiers navals de réclamer leur part du gâteau algérien qui, rappelons-le à tout hasard, est puisé dans le bien commun des Algériens en perte de vitesse. Les armateurs qui résistent encore à passer par les chemins tortueux de la malversation attendent sur place et tentent de trouver une issue pour récupérer leurs bateaux dont ils ont avancé en totalité à la banque l'apport personnel exigé pour l'éligibilité au crédit. Cela fait plus de huit mois pour certains. A l'ambassade où ils se sont rendus pour exposer leur situation, on leur a répondu que ce sont des affaires de contrats commerciaux qui ne regardent en aucune manière les affaires étrangères ! Ils sont au bord de l'épuisement. A la démission des pouvoirs publics qui se démarquent de cette affaire vers lesquelles ils les ont pourtant orientés, ils doivent également faire face à un environnement des plus hostiles entretenu par les Turcs qui cherchent à se débarrasser de leur présence trop encombrante. Jusqu'où iront-ils ? Il y a eu des menaces clairement formulées, nous ont avoué nos interlocuteurs qui ont insisté pour garder l'anonymat par peur de représailles commanditées d'Alger.