Presque trois mois après le déclenchement de la grève illimitée par ses effectifs et la fermeture de l'unité de production depuis le 4 août 2007 à ce jour, l'Algérienne de fabrication de pipe (Alfa pipe) Annaba devrait rouvrir ses portes dans les prochains jours. Malgré l'absence d'un plan de charge durant cette période de perturbations, l'entreprise, qui compte plusieurs centaines de travailleurs, avait dû faire appel à des opérateurs privés pour la livraison des dernières commandes à sa clientèle. Messaoud Chettih, ex-président-directeur général du groupe Sider, principal accusé dans le procès Sider des années 1990, par la suite PDG d'Algérie Télécom, a été chargé par la société de gestion des participations Transolb de la mission de médiateur entre la direction générale et le syndicat Alfa pipe Annaba. Depuis lundi, il préside les négociations entre les deux parties en conflit. Qui a tort, qui a raison dans cette crise socioprofessionnelle ? D'un côté, il y a la direction générale sûre de la justesse de sa décision de licencier, début juin 2007, le président du comité de participation. Il aurait refusé de se conformer aux lois et à la réglementation en vigueur dans la société. De l'autre, des syndicalistes plus bavards qui, durant des semaines, avaient animé le débat socioéconomique de toute la région. Alfa pipe est l'une des rares entreprises publiques économiques du groupe Sider à être fiable en enregistrant annuellement un chiffre d'affaires de 7 milliards de dinars. Elle est également l'une des rares à appliquer à ses effectifs un relèvement substantiel des salaires de base, du régime indemnitaire, à appliquer un intéressement très motivant, à recruter sur contrat à durée indéterminée et à veiller à l'amélioration régulière des conditions de travail. Evénements internes avec l'affolement des représentants des travailleurs à la suite du rejet de la soumission de Alfa pipe. Elle portait sur un marché pour la fourniture de 1300 km de tubes lancé par le ministère des Ressources en eau. D'un montant de 1,5 milliard de dollars, il avait été décroché par des Chinois pour une tranche et des Turcs pour une autre. L'appel d'offres lancé pour la cession des actifs du capital de Alfa pipe Annaba et Ghardaïa compose certainement l'aspect événements externes et les lignes de force des controverses entre la direction générale et les syndicalistes. Pour la cession des actifs, la première a jeté son dévolu sur Borusman-Manisman-Umran, un consortium germano-turc tubiste mondial. Les seconds ont porté leur préférence pour Arcelor Mittal. Cette société indienne est propriétaire à 70% des actifs du complexe sidérurgique d'El Hadjar. Elle a les yeux rivés sur les deux unités de production de tubes Alfa pipe Annaba et Ghardaïa. Celle de Annaba est située dans l'enceinte même du complexe devenu Arcelor Mittal El Hadjar. « Nous ne sommes pas seulement un producteur d'acier. En amont de la chaîne de production, nous disposons d'une activité intégrée de traitement des métaux et d'exploitation minière. En aval, nous exerçons une importante activité de service et de distribution, transformant les produits finis et proposant un service sur mesure aux clients. Nous sommes prêts à saisir les opportunités partout et quand elles se présentent », avait précisé dans son message du début de l'année 2007 Lakshimi Mittal, président-directeur général de Arcelor Mittal. Il s'adressait à ses 330 000 travailleurs dont les 8200 Algériens en poste à Arcelor Mittal Annaba. M. Lakhsimi précise ainsi sa volonté d'acquérir tout ce qui pouvait lui tomber sous la main en termes d'opportunités liées de près ou de loin à la production sidérurgique en Algérie. Convoitises Indépendamment des unités de production d'acier ainsi que les mines de la wilaya de Tébessa déjà dans son escarcelle, Arcelor Mittal se propose d'acquérir une partie ou toute la zone franche de Bellara.Un accord de principe lui a été déjà exprimé pour la réalisation d'un laminoir fil et rond. Il convoite aussi l'important gisement de minerai de fer de Ghar Djebilet. Le contrat de concession de ce dernier pourrait être signé avec le gouvernement algérien avant la fin de l'année. Dans ce cadre, une délégation de hauts cadres et d'experts français en poste à la direction générale de Arcelor Mittal Bruxelles se déplacera pour une visite de travail le 4 septembre 2007 à Ghar Djebilet. Ils seront accompagnés de M. Yousfi, cadre à Arcelor Mittal Annaba. Le 26 septembre 2006, saisissant l'opportunité que lui offrait la visite de travail de Abdelhamid Temmar, ministre des Participations et de la Promotion des investissements, Sanjay Kumar, le directeur général indien de Arcelor Mittal Annaba, avait exprimé la volonté du groupe qui l'emploie d'acquérir d'autres entités de production en Algérie. Dans le lot de ces entités, Alfa pipe Annaba et Ghardaïa figurent en bonne place. La proposition d'acquisition a été relancée lors de la visite de travail et d'inspection du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à Annaba les 16 et 17 mai 2007. Même si elle est intervenue au lendemain du dépôt de préavis de grève par les syndicalistes, la valse de cadres proches collaborateurs, dont Franck Pannier et Willy Smith, a pour objectif de confirmer que le groupe Arcelor Mittal Steel s'est implanté pour longtemps en Algérie. Et qu'il compte y accélérer de nombreux investissements y compris dans le secteur des hydrocarbures. Le groupe Arcelor Mittal aurait exprimé son vœu d'acquérir Alfa pipe Annaba et Ghardaïa. Messaoud Chettih pourrait se retrouver sous les feux de la rampe. C'est donc une mission similaire à celle de Franck Pannier, le vice-président de Arcelor Mittal chargé par son patron de mettre fin à la crise avec les syndicalistes du complexe d'El Hadjar, que Chettih devra accomplir. Les travailleurs de Alfa pipe et leurs responsables sont attendus par de nombreux clients importants dont Sonatrach. Cette dernière envisage de réaliser son programme GK3 de pose de conduites pour un pipe long de 565 km. Même certifiée ISO 9001 et APIQ1 et avec le bénéfice de l'application du principe de « la préférence nationale », Alfa pipe Annaba pourrait se retrouver off course avec des conflits à répétition qui portent atteinte à sa crédibilité. En affirmant : « Il reste que la mesure temporaire de la tuberie de Annaba ne suspend en rien la volonté manifeste de dialogue prônée jusque-là par la direction, pour peu que les règles soient respectées par tous », M. Kouidri, le directeur général de Alfa pipe Annaba, ouvre grande la porte de la réconciliation. Il le fait à quelques mois de la concrétisation de l'opération de cession de la majorité des actifs de cette entreprise publique économique, filiale du groupe algérien Sider. Sur ce plan, rien n'est encore joué entre les germano-turcs et les indiens de Arcelor Mittal, les deux prétendants à l'acquisition.