A l'approche du f'tour, tout le monde s'empresse de regagner le foyer familial. Cependant, des gens, à la mine triste, apparemment sans domicile fixe (SDF), adossés aux murs, des enfants livrés à eux-mêmes ou encore des passants et des étrangers à la ville sont contraints de se débrouiller pour rompre le jeûne. Il est 16 h 30 au niveau du restaurant du Croissant-Rouge algérien (CRA), situé à la rue Mulhouse, à quelques encablures de la place Audin. Ce resto du cœur est approvisionné grace au budget du CRA et d' une aide parvenant de la wilaya d'Alger, notamment les dons de personnes charitables, qui constituent la principale source et assurent une moyenne de 450 à 500 repas servis quotidiennement sur place en plus d'une cinquantaine de couffins destinés aux familles démunies. Chaque année durant ce mois sacré, cette meïda ramadhanesque ouvre ses portes aux familles démunies, aux SDF, aux passants (aâber sabil) ou aux travailleurs. Le responsable nous donne des explications quant à la prise en charge de ses « invités ». « Le restaurant du cœur est ouvert durant tout le Ramadhan et est au service des nécessiteux », déclare-t-il. Au même moment, un groupe de gens, formant une queue devant l'entrée, attend impatiemment l'heure d'ouverture. Nabil, organisateur, nous invite à côtoyer, quelques moments, les bénévoles. « La distribution des couffins aux familles démunies a commencé à 14 h et doit durer jusqu'à la rupture du jeûne », nous confie une bénévole qui, depuis 13 ans, fréquente ce lieu de solidarité. « Nous distribuons jusqu'à 50 couffins par jour et malgré les petits problèmes qui surgissent çà et là, je ne peux, en aucun cas, rater l'ambiance qui prévaut ici. Et sachez bien que tous ces bénévoles sont des étudiants, médecins, cadres et des femmes au foyer », a-t-elle ajouté. Quant à la préparation de la nourriture, elle est assurée grâce aux volontaires. Ceux-ci viennent aider tout au long de la journée. « En général, nous nous organisons à trois équipes. Chacune accomplit une tâche bien définie et ce pour le bien-être et le bonheur de nos jeûneurs », confirme Raouf, cadre administratif dans une agence commerciale. « Ici il n' y a pas de responsables. Chacun accomplit la mission qui lui est confiée. Il s'agit en fait d'un engagement moral envers ces gens qui viennent se restaurer chez nous », conclut-il. Il est 17h20, toute l'équipe se mobilise pour la préparation des plateaux. Près de 500 repas sont servis. Durant tout ce mois de jeûne, le CRA assure un repas bien équilibré au goût ramadhanesque, à savoir l'incontournable chorba, un plat de résistance, un morceau de viande, ainsi qu'un morceau de qalbellouz et une variété de desserts. A 17h40, avec hardiesse, les bénévoles commencent à servir les repas dans une salle dépassant les 200 places. « Une fois les tables garnies, on fait entrer les gens qui attendent à l'extérieur », nous explique Zahia, autre bénévole depuis plusieurs années. Rencontré à l'intérieur de la salle, Khaled, travailleur originaire de l'Est, se dit épuisé par la précarité dans laquelle il vit à Alger. « Chaque jour, je romps le jeûne ici et je prends un peu de chorba avec moi pour le s'hour », confie-t-il. Interrogé sur la qualité du f'tour, Khaled nous dira que celui-ci est équilibré tant en quantité qu'en qualité. Il est 17h55, c'est l'adhan. Les jeûneurs, formant la première rage, rompent le jeûne, tandis que les autres attendent calmement leur tour. Le climat de morosité se dissipe petit à petit. L'heure est à l'entrain et à la bonne humeur chez les jeuneurs. Ces derniers doivent se nourrir « un peu vite », afin de laisser la place aux autres. Quant au collectif des bénévoles, il n'aura droit qu'à des petits sandwichs, les repas étant exclusivement réservés aux « invités ». « Voyez cette ambiance, c'est notre plaisir », déclare Aniss. Vers 19 h, c'est le moment du grand ménage qui doit être assuré par l'ensemble des bénévoles. C'est aussi le moment de partir, pour les habitués du lieu, notamment les SDF et les sans-abris. F. Khettaoui , R. Seddar