Le président de la République présente ses vœux au peuple algérien à l'occasion de l'Aïd El-Fitr    Aïd El-Fitr: Goudjil présente ses vœux au peuple algérien et à la nation musulmane    Concours national de composition épistolaire pour enfants : prorogation des délais de participation au 8 avril prochain    Le 27e Salon international de la santé (SIMEM) du 9 au 12 avril 2025 à Oran    Commerce: les conditions de présentation des fruits et légumes frais fixées par arrêté interministériel    France: début d'une marche pour la libération des prisonniers politiques sahraouis    A la veille de l'Aïd el-Fitr et de la Journée de la Terre: plus de 9.500 prisonniers Palestiniens victimes de crimes organisés dans les geôles sionistes    Cisjordanie occupée: des dizaines de Palestiniens agressés par les forces sionistes à Jénine après la prière de l'Aïd    Mobilis récompense les lauréats de la 14e édition du grand concours national de récitation du Saint Coran    La bataille de Djebel Béchar, un acte d'une grande portée historique    Remise en service du train de voyageurs    Quelles sont les stipulations relatives à l'exigence de capacités minimales en matière de procédure de passation de la commande publique ?    Ooredoo partage un Iftar de solidarité avec l'Association des handicapés moteurs    L'exode sans fin des Congolais    Les pertes de Kiev ont dépassé les 70.000 militaires    Football : Suède – Algérie en amical début juin à Stockholm    Le MOB a fait trembler le CRB    Le représentant du département technique en Algérie    Arrestation de deux dealers en possession de 9000 comprimés de Prégabaline 300 mg    Un plan sécuritaire spécial Aïd El-Fitr    Le ministre des Finances inaugure les bureaux de change    « L'industrie génétique américaine est pionnière dans le partage de son savoir-faire »    Le TNA rend hommage à plusieurs figures du théâtre algérien    Le régime des laïcards français partage l'obsession du voile avec son égal islamiste    « L'Algérie et la question des territoires historiques : un droit à la revendication ? »    Mois du patrimoine: lancement de la 1ère édition du concours "Alger Photography Marathon"    Le Centre national de prévention et de lutte anti-drogue de Bouchaoui: une expérience pionnière dans la prise en charge des toxicomanes    Décès du sénateur Abdallah Mesk: Goudjil présente ses condoléances    Tizi-Ouzou : Taswiqt, une tradition festive toujours vivante la veille de l'Aïd    Achat de vêtements de l'Aïd en ligne : confort et économies à l'ère numérique    Championnat d'Afrique de football scolaire 2025 : réunion de coordination FAF-DTN-FASS à Alger    Tizi-Ouzou: Le jeune, Kader Fateh, lauréat du concours Ahcene Mezani, du chant chaabi    Foot : le représentant du département technique régional de la Fifa en visite de travail en Algérie    Coupe d'Algérie: l'USM Alger et le MC El Bayadh en demi-finale    «La Présidente de la Tanzanie se félicite des relations excellentes unissant les deux pays»    « Préservons les valeurs de tolérance et de fraternité »        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



L'autre visage de la misère
RESTOS DU COEUR
Publié dans L'Expression le 16 - 10 - 2005

Aux restaurants de la rahma l'on sert tous ceux qui ont dans les yeux quelque chose qui fait mal, qui fait mal...
Vendredi est un jour de moindre affluence pour les restos du coeur ou restaurants de solidarité qui ont pignon sur rue à Alger. Particulièrement à la place du 1er Mai, où ils sont nombreux cette année, les propriétaires de restaurants à préférer se recycler en auberges pour SDF rompant ainsi avec la tradition commerciale qui fait leur vocation. Que ce soit à la rue Hassiba Ben Bouali, ou le restaurant des cheminots affiche complet dès 17 heures, ou encore à l'ébauche de l'avenue Mohamed Belouizdad où le Negresco troque son ex-enseigne d'estaminet pour verser dans l'action caritative. Une nouvelle identité qu'il a tenté d'affirmer bien des mois à l'avance. Plus haut, au sommet de l'avenue Ghermoul, ex-Groupe Laïc, la vedette de ce genre d'établissement revient incontestablement au réfectoire parrainé par la toute prestigieuse Sonatrach. Ce dernier, vers dix-sept heures trente, est déjà complet, avec à l'intérieur quelque deux cents personnes. Alors qu'à l'extérieur une longue procession de personnes d'horizons divers attend la libération des places...bien avant la rupture du jeûne. Ce réfectoire sert quotidiennement une moyenne de 1100 repas, dont 400 à emporter par les familles nécessiteuses. L'on y rencontre une bande d'habitués, appartenant à toutes les couches sociales: démunis habitant la capitale, chômeurs, étudiants, quelques personnels de la police et une vingtaine de femmes. Les plats y sont généralement opulents avec au menu dattes et fruits, quotidiennement. comme tient à le préciser M.Bellih Mohamed à qui incombe la gestion de ce foyer, où, entre huit et quatorze heures une véritable armée de plongeurs est lancée à l'assaut d'une montagne de vaisselle. Cette dernière est ensuite relayée par une autre, chargée elle, de la préparation des repas. Six cuisiniers et quatre serveurs y assurent le service.
«El khir kayen»
Ce week-end, d'alléchants mets y sont proposés. L'on y retrouve bien entendu de la chorba, religieusement accompagnée d'un hors-d'oeuvre. Tandis que le plat de résistance qui ne déroge pas au traditionnel tadjine zitoune, peut être composé de gratin aux pommes de terre, aubergines brisées, purée avec poulet ou viande, du riz au poisson (une fois par semaine), jardinière ou haricots verts sautés.
Presque dix-huit heures, il est difficile de trouver place à une table. Après avoir fait le tour de la place du 1er Mai, nous nous décidons pour le «Petit Rentier» un resto abrité par les arcades de la place du 1er Mai en face du ministère de la Jeunesse et des Sports. Son propriétaire M.Farid Ben Abdelaziz est coutumier de l'entreprise du Ramadan qui le voit mettre le couvert pour les petites gens et autres passagers en quête d'un repas. «Ici les gens mangent à volonté, ils peuvent même emporter des plats chez eux», nous explique-t-il d'un air enthousiaste. «El Khir kain!» ajoute-t-il. il est aidé dans sa mission quotidienne par deux dames qui préparent bénévolement et avec soin des plats variés en fonction des jours de la semaine. Ici comme ailleurs, cette option d'aide aux démunis est devenue au fil des ans une tradition, un rituel. Fièrement, ce jeune homme précise qu'il « ne reçoit aucune aide de l'Etat ».
Avant d'opter pour un resto particulier, nous préférons faire encore un dernier tour du côté de la rue Hassiba Ben Bouali. Quelques quidams sont agglutinés devant la porte du resto des cheminots. Ils se voient adresser un refus catégorique pour leur tentative d'y accéder. C'est que tout le monde y est installé et pas même l'once d'un espace pour une place supplémentaire. Vue de l'extérieur, l'enceinte paraît calfeutrée derrière des fenêtres aux rideaux immaculés. Une télévision y distille les derniers programmes avant le f'tour. Ce qui renseigne sur le relatif confort qui est dispensé aux pensionnaires, le temps d'un repas. Omar, un citoyen en déplacement, est désemparé devant le fait de ne pouvoir s'y restaurer. De passage à Alger, il s'est vu subtiliser tout l'argent qu'il avait sur lui à la faveur d'une malheureuse escale à la gare routière de Blida, où il devait, cette matinée, régler une situation administrative relative à son travail, nous raconte-t-il, la mine triste. Sa seule alternative est de dîner dans un resto de la rahma, avant de rentrer chez lui le lendemain. En attendant il tient le coup avec les trois cents dinars en poche qui lui paieront plus tard café et cigarettes. En sa compagnie, nous rebroussons chemin vers les arcades. Deux mioches, visiblement égarés, nous suivent dans l'espoir de trouver refuge ou apaiser leur faim eux aussi. De passage, nous remarquons le restaurant Djurdjura qui investit pour la première fois le terrain de la solidarité. Ayant une réputation déjà acquise, il affiche déjà complet. A l'intérieur, une cinquantaine de convives ont les yeux rivés sur l'écran de télévision. L'Entv émettra bientôt l'éternel el adhan. Une fois sur place, nous sommes surtout contraints par l'horaire de jeter notre dévolu sur l'établissement «le Petit Rentier» où le propriétaire, déjà familier, nous accueille avec affabilité. Il nous oriente vers le sous-sol où nous prenons place. Apparemment, c'est l'endroit désigné par ce dernier pour une clientèle «mûre». En effet, à nos côtés, des personnes, donnant l'air d'être plutôt commerçants ou fonctionnaires sont accoudés à des tables, et attendent el adhan. Par groupe de deux ou trois, ils discutent, décontractés autour de morceaux de zlabia posés bien des heures avant. Les dernières minutes avant l'annonce de la rupture du jeûne semblent s'égrener à une cadence lente.
Longues minutes
Le temps de faire plus ample connaissance avec mon compagnon de fortune, Garde communal de son état, nous apprenons qu'il a dû quitter son travail pendant six jours suite à une dispute avec son chef. Son souhait est que l'incident disciplinaire dont il fait l'objet ne prenne pas des proportions autres. Son voeu le plus cher est que sa vie professionnelle reprenne son cours normal. Dans un coin pas très éclairé, un adolescent, l'air déguenillé, a le visage ombragé par le képi de sa casquette qu'il garde rabattue sur sa face. C'est enfin la rupture du jeûne tant attendue. Un garçon de salle assure le service. Nous sommes surpris par une rare atmosphère de calme et de sérénité. L'absence de tout fond musical donne comme une solennité « par respect au f'tour ». Le vendredi, jour de repos qui voit la capitale respirer de la cohorte humaine de la semaine, ainsi que l'ascendant du gérant et son désir d'imposer la discipline y sont certainement pour quelque chose. Les visages se décontractent à la vue des bols de chorba qui arrivent chauds. Ces derniers, accompagnés de pain frais, sont vite engloutis. Des carafes d'eau sont posées sur les tables nappées de toiles cirées aux couleurs chaudes. C'est l'unique boisson qui sert à étancher la soif des uns et des autres. Les plus gourmands n'attendent pas le plat de résistance et grignotent machinalement leur zlabia pour apaiser une faim encore vivace. Les plats de résistance arrivent sur un grand plateau qui passe à chaque table. Il aura fallu deux «voyages» au serveur pour dispatcher ces derniers consistant en une jardinière généreusement garnie de boulettes de viande. Les demi-baguettes de pain servies à chaque «client » tout comme les plats servis semblent ne pas rassasier certains. Lesquels n'attendent pas le serveur et vont de leur initiative jusqu'à l'étage supérieur pour avoir ce dont ils ont besoin. Des poires sont offertes comme dessert. Le sous-sol est éclairé par des néons projetant à vif leurs watts, alors que des tableaux y égayent les murs faïencés. L'on prend goût à la conversation. A la fin du repas des saha f'tourkoum fusent et libèrent une bonhomie euphorisante. Une fois à l'extérieur, l'atmosphère d'une soirée qui commence contraste fortement avec celle, survoltée, précédant le f'tour. Le premier réflexe est celui de prendre un café bienfaiteur. L'occasion aussi pour l'infortuné Omar de dissiper définitivement ses idées noires. Nous sirotons avec lui un bon café presse au milieu de la rue Hassiba, ce qui est aussi l'occasion de sceller une solide amitié, après avoir découvert à la faveur d'une chorba du pauvre, tout un pan de la vie de ce quidam. Finalement, les restaurants de la rahma sont une formidable occasion de solidarité mais également de rencontres enrichissantes imprégnées de bonne humeur et de simplicité. Le seul hic est qu'on en sort, avide d'y revenir...car ceux, bénévoles ou propriétaires qui y oeuvrent servent tous... ceux qui ont dans les yeux quelque chose qui fait mal, qui fait mal!


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.