Dans un discours-programme de politique étrangère de la France d'une cinquantaine de minutes, prononcé hier matin à l'ouverture de la 15e conférence des ambassadeurs, le président Nicolas Sarkozy a identifié trois principaux défis auxquels le monde est confronté en ce début du XXIe siècle et la contribution de la France pour y répondre. Paris. De notre bureau « Comment prévenir une confrontation entre l'Islam et l'Occident, voulue par les groupes extrémistes tels qu'Al Qaïda qui rêvent d'instaurer, de l'Indonésie au Nigeria, un khalifat rejetant toute ouverture, toute modernité, toute idée même de diversité ». C'est le premier défi, thème sur lequel Nicolas Sarkozy s'est largement étendu. Un des moyens de prévention de ce risque est selon lui que la France aide « les pays musulmans à accéder à l'énergie nucléaire » pour la production de l'électricité afin de parer à l'épuisement, à terme, des ressources en pétrole et en gaz des pays qui en sont dotés. Un autre élément de prévention serait la mise en œuvre de son projet d'union méditerranéenne. « Prévenir une confrontation entre l'Islam et l'Occident, c'est aussi encourager, aider, dans chaque pays musulman les forces de modération et de modernité à faire prévaloir un Islam ouvert et tolérant, acceptant la diversité comme un enrichissement. Dans ce domaine, il n'est pas de recette miracle, unique. Mais l'évolution de pays comme le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, la Jordanie, l'Indonésie témoigne, malgré des différences importantes, de l'existence d'un mouvement des sociétés, encouragé par les gouvernements », a-t-il, par ailleurs, précisé. L'organisation d'une « coopération totale entre services de sécurité de tous les pays concernés » par la menace terroriste en est un autre, et aussi « prévenir une confrontation entre l'Islam et l'Occident, c'est enfin traiter les crises du Moyen-Orient », a indiqué Nicolas Sarkozy. Des solidarités concrètes Le second défi, selon le président français, est « comment intégrer dans le nouvel ordre global les géants émergents que sont la Chine, l'Inde ou le Brésil ? Moteurs de la croissance mondiale, ils sont aussi facteurs de graves déséquilibres ; géants de demain, ils veulent que leur nouveau statut soit reconnu, sans être toujours prêts à respecter des règles qui sont pourtant dans l'intérêt de tous ». Le troisième défi est « comment faire face à des risques majeurs » tels que « le réchauffement climatique », « de nouvelles pandémies » ou « de la pérennité des approvisionnements énergétiques ». Nicolas Sarkozy ambitionne pour la France un rôle fort dans une Europe unie, c'est pourquoi il fait de la construction de l'Europe « une priorité absolue ». « Sans l'Europe, la France ne pourra pas apporter de réponse efficace aux défis de notre temps », a-t-il souligné. Il a souhaité un renforcement de l'Europe de la défense. « Il nous faut élaborer ensemble une nouvelle stratégie européenne de sécurité » qui pourrait être « approuvée sous présidence française » de l'Union européenne, au second semestre 2008, a-t-il déclaré. « Ces progrès de l'Europe de la défense ne s'inscrivent en aucun cas dans une compétition avec l'OTAN », a toutefois précisé M. Sarkozy. Revenant sur son projet d'union méditerranéenne, Nicolas Sarkozy a préconisé, à ce sujet, une première réunion de chefs d'Etat et de gouvernement au premier semestre 2008. « Il ne s'agit pas d'ignorer ce qui a déjà été accompli », a expliqué M. Sarkozy, évoquant le processus de Barcelone, le 5+5 ou le Forum méditerranéen. « Il s'agit au contraire d'aller au-delà, entre pays riverains de notre mer commune, en partant de la démarche qui fut celle de Jean Monnet à propos de l'Europe : celle des solidarités concrètes », a ajouté le président français. Au sujet de l'Irak, Nicolas Sarkozy a estimé qu'« il n'y aura de solution que politique », et que cela « implique que soit défini un horizon clair concernant le retrait des troupes étrangères ». Concernant le conflit israélo-palestinien, M. Sarkozy a affirmé que la France ne se résignait pas à la création d'un « Hamastan » à Ghaza. Il se déclare « ami d'Israël ». « Je ne transigerai jamais sur la sécurité d'Israël », a-t-il insisté, ajoutant que cette amitié l'« autorise à dire aux dirigeants israéliens et palestiniens que la France est déterminée à prendre ou à soutenir toute initiative utile » pour la paix. S'agissant du Liban, M. Sarkozy a souligné que l'« amitié » de la France envers ce pays « n'est pas dirigée vers un groupe ou un clan ». Il ajoute que si la Syrie « s'engageait clairement » pour favoriser « une sortie de crise par le haut » au Liban, « alors les conditions d'un dialogue franco-syrien seraient réunies ». Par ailleurs, Nicolas Sarkozy a annoncé une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur l'Afrique le 25 septembre, à l'initiative de la France. Il a aussi évoqué la possibilité de relancer les négociations d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, tout en réaffirmant que sa préférence allait à une « association » entre l'UE et Ankara.M. Sarkozy s'est prononcé enfin pour « l'élargissement nécessaire du Conseil de sécurité, dans les deux catégories de membres, avec comme nouveaux membres permanents l'Allemagne, le Japon, l'Inde, le Brésil et une juste représentation de l'Afrique ». Il a aussi souhaité que le G8 s'élargisse à la Chine, à l'Inde, au Brésil, au Mexique et à l'Afrique du Sud. Il a justifié cette évolution par « la nécessité d'une coopération étroite entre les pays les plus industrialisés et les grands pays émergents pour lutter contre les changements climatiques ».