L'amnistie générale proposée par le président de la République est interprétée différemment par les responsables des organisations des droits de l'homme. Si Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion des droits de l'homme (CNCPPDH) accueille cette initiative avec soulagement, Boudjemaâ Ghachir, premier responsable de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH) estime, quant à lui, qu'avant d'annoncer un autre épisode qui est l'amnistie générale, il aurait été nécessaire et plus sage de finir d'abord la première étape relative à la réconciliation nationale. M. Ksentini a, au préalable, établi la différence entre la réconciliation nationale et l'amnistie générale. De son avis, la décision du président de la République d'aller vers une amnistie générale après consultation du peuple a pour effet d'effacer les crimes ou les infractions commis par un individu. « Le fait délictuel ou criminel n'existe plus en la matière et par conséquent on ne peut plus poursuivre un individu en justice en raison de ce fait », a indiqué M. Ksentini. Pour lui, la grâce amnistiante signifie tout simplement la suppression générale de tout ou uniquement d'une partie des crimes ou des infractions commis par une personne. Néanmoins, n'ayant pas les détails précis de cette nouvelle mesure, notre interlocuteur suppose que l'amnistie proposée par le chef de l'Etat peut être à la fois générale et sélective. « Elle peut exclure un certain nombre de crimes ou de délits de son champ d'application. Cela dépend de la démarche du Président. Nous ignorons qui sont les véritables concernés par cette mesure. Pour le moment, l'idée est lancée, c'est une fois le projet de texte élaboré et mis à notre disposition que nous pourrons donner notre avis. Pour le moment, il est prématuré de se prononcer sur une proposition dont seul le Président connaît le fondement », dira M. Ksentini qui a salué l'initiative du premier magistrat du pays. « C'est une démarche courageuse. Je l'accueille les bras ouverts. Elle est opportune et celui qui l'a prise est courageux, car il est difficile de gérer une situation aussi complexe », affirme notre interlocuteur qui est favorable à une telle démarche car, selon lui, il faut aujourd'hui réduire les fractures sociales dans le pays. « L'Algérie doit retrouver la paix civile, et il vaut mieux tôt que tard. La proposition sera soumise au référendum, si l'opinion publique la rejette, elle ne sera qu'une simple suggestion ; si elle l'adopte, elle se concrétisera sur le terrain », a déclaré M. Ksentini qui pense que dans toutes les situations de violence interne, et ce, de par le monde elle se termine par une amnistie générale. Mobilisation Par ailleurs, M. Ghechir relève que le moment n'est pas encore venu pour évoquer la question de l'amnistie générale car, de son point de vue, le peuple a besoin de se réconcilier d'abord avec lui-même, avec son histoire et son identité. Il ne suffit pas, selon Ghechir, de faire de la réconciliation nationale une priorité du programme du gouvernement, mais il faut mobiliser la classe politique, la société civile et la presse. « L'amnistie générale doit être précédée d'une réconciliation nationale globale et dans toutes ses formes », dira-t-il. La réconciliation, indique notre interlocuteur, ne se décrète pas, elle s'acquiert. Il faut promouvoir la tolérance, la fraternité et surtout le respect de l'être humain, à savoir sa vie, sa dignité et son intégrité physique. Selon M. Ghechir, le Président fait référence, à travers la proposition d'amnistie, au conflit avec les islamistes armés. Notre interlocuteur est persuadé que si l'on veut aller vers une amnistie, on doit inscrire cette dernière dans un contexte plus logique, ce qui implique que les criminels doivent passer par la justice. Le président de la LADH est convaincu qu'une amnistie via un référendum ne reflétera jamais la volonté du peuple, car elle sera accompagnée de campagnes de sensibilisation dans ce sens. Rappelons que la LADH a élaboré un mémorandum de quatre pages intitulé : « Pour une réconciliation nationale juste et durable ». Ce document explique le passage de la réconciliation à une amnistie générale et les conditions à suivre pour atteindre cet objectif.