Meetings populaires, rencontres de proximité, porte-à-porte, journaux partisans, sites internet interactifs, SMS et bien sûr les fameux speechs télé et radiodiffusés. Maroc. De notre envoyé spécial Les 33 partis politiques qui vont se disputer, ce vendredi, les 325 sièges du Parlement marocain ont vraiment tout fait pour convaincre. L'Etat tente lui aussi à grand renfort médiatique et une communication télévisuelle à la limite du tapage de sensibiliser les quelque 14 millions d'électeurs à faire l'effort de glisser un bulletin dans l'urne. Et ce n'est pas gagné ! L'abstention risque d'être historique, prévoient la majorité des titres de la presse marocaine. Pour cause, les observateurs ici estiment que l'artillerie lourde sortie par les partis en lice est à la mesure de l'apathie des Marocains, des jeunes surtout, à l'égard des politiques, de la politique. C'est la conclusion à laquelle a abouti l'association Daba 2007 (aujourd'hui 2007) qui a sillonné tout le pays pour prêcher la bonne parole et tenter de raisonner une population dont les préoccupations sont ailleurs que dans les promesses sans lendemain des partis. « Il y a un énorme décalage entre le désintérêt du public et la compétition entre les candidats… On assiste parfois au retour en force des notables au détriment des militants reconnus. » C'est le constat amer que fait le chercheur et spécialiste des mouvements islamistes, Abdellah Tourabi, dans Tel Quel, relayé par Nourredine Ayouche, fondateur de Daba 2007. C'est dire que les électeurs ont tout l'air d'être les grands absents de ces joutes. Cela se vérifie ici à Casablanca, la capitale économique du royaume, où rien n'indique qu'on est bien en plein campagne électorale et surtout à J- 3 du vote. Les terrasses des cafés bondées suggèrent en tout cas que les élections sont loin d'être la tasse de thé de ces bataillons de jeunes qui tuent le temps à causer ou à zyeuter avidement au passage d'une belle fille tirée à quatre épingles. C'est à peu près le même topo dans toutes les villes et les contrées du royaume où la politique reste le dernier souci des gens. Et ce ne sont pas les promesses à l'emporte-pièce et les longues séances d'ânonnements des candidats qui vont secouer l'intérêt des Marocains. Comme en Algérie, les jeunes de Casa, de Rabat et d'ailleurs semblent avoir fait leur deuil de la politique. « Ce sont toujours les mêmes partis, les mêmes figures et les mêmes promesses… Rien ne changera. » Ce fatalisme ambiant est quasiment un refrain dans la bouche de tous les Marocains interrogés dans la rue. Les préoccupations semblent ailleurs que dans l'urne. Elles sont dans le logement, l'emploi, l'éducation, les routes et la santé, entre autres. Et les vieilles écuries politiques du royaume, que sont l'Union socialiste des forces populaires (USFP) et l'Istiqlal et leurs nombreux « petits », qui sollicitent aujourd'hui encore les voix des Marocains, sont accusées de non-assistance à populations en détresse. PJD : l'urne fatale ! C'est donc une sorte de boomerang que s'apprêtent les électeurs abusés et désabusés à renvoyer sur ces figures anciennes qui se drapent de nouveaux oripeaux et de discours ronflants qui sentent trop fort la démago circonstancielle. La ressemblance est assez saisissante avec l'Alliance présidentielle en Algérie formée par le trio FLN, RND et MSP qui a fini par donner une abstention record le 17 mai dernier. Le scrutin de vendredi prochain présente à peu de choses près les mêmes caractéristiques et les mêmes inquiétudes compte tenu du divorce désormais consommé entre les citoyens électeurs du Maroc gavés de promesses et les hommes politiques dont le discours idéologique est de type gauche-droite ou républicain-progressiste. Un discours politique qui n'a aucun ancrage populaire pour des citoyens qui réclament juste qu'on se préoccupe des petits besoins de tous les jours. Ici tout le monde s'accorde à dire que les politiques, donc les candidats, ne parlent pas le même langage que le Marocain lambda. Les envolées lyriques lancées via le petit écran sont perçues comme de la science-fiction dans un pays où le nombre d'analphabètes et de pauvres se chiffre en millions. C'est une réalité sociale que le Parti de la justice et le développement (PJD) semble avoir compris en multipliant le porte-à-porte pour convaincre les électeurs de pouvoir porter leurs râles à l'Assemblée nationale. Le fait que cette formation résolument islamiste soit la cible de tous les autres partis a suscité une vague de sympathie chez les Marocains qui semblent dire : « Le PJD, pourquoi pas ? » Son chef, Saadedine Al Othmani, annonce déjà la couleur à ses ouailles et ses détracteurs en promettant, dimanche dans un meeting ici à Casablanca où il est candidat, que sont parti raflera 70 sièges, soit en première position dans l'échiquier politique marocain. Pour beaucoup, ce score est mesuré par rapport à la capacité de mobilisation d'un parti qui a entamé sa campagne depuis… 2005 et qui plus est ne s'est pas mouillé dans les échecs de la coalition gouvernementale formée d'une mosaïque de 8 partis. Et dans un Maroc où la religion est omniprésente, cela compte énormément d'exhiber ses référents islamiques pour capter les voix des citoyens. C'est pourquoi le bulldozer du PJD risque fort d'emporter tout sur son passage vendredi prochain. Et ce sera un vrai vendredi 13 pour tous ceux qui crient à la menace de la déferlante islamiste au royaume, comme l'écrivain Abdellatif Lâabi qui a lancé son « pacte pour la démocratie » pour combattre « les forces obscurantistes ». Cela va-t-il suffire pour autant ? Réponse vendredi 7 septembre.