Le mois de la piété se distingue, hélas, par une course effrénée pour l'achat et le stockage, d'un côté, et de l'autre, la vente et le gain facile. C'est à croire que les citoyens étaient sur le point de départ d'une course qui dure un mois, une course sans but précis. Aussi bien au centre-ville que dans les autres quartiers ou dans l'autre ville (dans la ville) (le quartier de Bouakal), la quête du rare, du superflu qui passe pour indispensable, a commencé. Les nouvelles boutiques qui ont vu le jour pour la vente des fournitures scolaires vont disparaître pour céder la place au commerce très porteur de la Zalabia, une confiserie impérative durant tout un mois. Au marché couvert (Rahba), royaume des condiments et épices rares, 4 clients sur 5 sont des femmes, elles ont le flair, l'habitude, mais surtout l'expérience de reconnaître la bonne marchandise de la mauvaise. Tout ce qui est rare devient disponible, mais cher : la tomate de Tunisie, la nougat aux amandes et aux pistaches, mais, en matière d'ustenciles, surtout les bonnes marmites en terre cuite pour la bonne chorba, à Batna « djeri frik », etc.De nouvelles habitudes gastronomiques ont fait leur apparition depuis plus d'une dizaine d'années, la plus remarquée reste la consommation de la Dobara (un bouillon de fèves et/ou pois chiche), souvent très pimentée. Si le plat est délicieux et au goût riche, sa consommation, après une journée de carême, n'est pas la meilleure des idées, mais que faire, ventre vide n'a pas d'oreilles, encore moins de logique ? La rue « H » au quartier Bouakal, quant à elle, rivalise en nombre de flâneurs, mais aussi par les prix proposés qui défient toute concurrence… Si on fait abstraction de la qualité. Le lieu est une sorte de China Town, où il y a beaucoup plus de badauds que d'acheteurs, mais aussi des pickpockets. Il faut dire que 90% de la marchandise proposée est constituée d'habits destinés à la gent féminine, et si un voleur est repéré, ce ne sont pas les services de l'ordre qui s'en occuperont, mais plutôt les marchands eux-mêmes, et ils ne lésinent pas sur les méthodes. Bien avant le signal de départ d'une course qui va essouffler plus d'un, les prix ont pris l'ascenseur. Quant à l'hygiène, elle n'est pas à l'ordre du jour, lorsqu'on voit des tripes suspendues à longueur de journée sous un soleil de plomb, des bottes de laitue noyées dans de l'eau pour doper leur poids, du lait à 60% d'eau, et aussi de la viande congelée, vendue comme fraîche. Ce qui est sûr c'est que les modestes bourses vont passer un mois de privations.