Depuis plusieurs années, le pouvoir d'achat est devenu un concept que les politiques, les journalistes, les experts et surtout les syndicats utilisent à tout bout de champ parce que la notion a quitté le terrain économique voire statistique pour s'incruster dans les discours publics. Finalement, ce terme a largement remplacé d'autres notions comme les salaires ou les revenus, voire la pauvreté. Que mesure-t-il ? On a peut-être tendance à l'oublier, mais c'est d'abord un indicateur économique utilisé par la comptabilité nationale. En général, on parle simplement de pouvoir d'achat pour " éviter de répéter " pouvoir d'achat du revenu disponible brut des ménages (ou revenu réel disponible)", Il s'agit d'un concept macroéconomique classique, calculé dans le cadre global cohérent de la comptabilité nationale et sur des bases harmonisées au plan international. L'évolution du pouvoir d'achat se calcule en déduisant l'augmentation des prix de la croissance des revenus. Ce qui renvoie à l'autre notion d'indice des prix à la consommation utilisé dans la réalisation de ces calculs. Il reflète l'évolution du prix d'un panier type de biens et services représentant la consommation de l'ensemble des ménages. Or, le problème, c'est que chaque catégorie de la population a sa propre structure de consommation. Dans ce cadre, au cours de ces dernières années, le pouvoir d'achat a indéniablement régressé. Pour comprendre le sentiment général d'une baisse du pouvoir d'achat, d'autres indicateurs sont nécessairement à prendre en compte, c'est-à-dire ceux qui mesurent les inégalités de revenus et de niveaux de vie. Les experts du Conseil national économique et social (CNES) ont fait ce constat depuis plus d'une année. Le 6e Rapport national sur le développement humain établit par le CNES et présenté en début d'année 2007 fourmille de détails sur le sujet. Sur la base des données fournies par l'Office national des statistiques sur les rémunérations, le chômage et l'inflation, les statisticiens du CNES sont arrivés à situer la moyenne annuelle de la baisse du pouvoir d'achat du salaire moyen à 1,7% depuis 2001. Le cumul sur la période 2001 à 2004 fait dégringoler la chute à 5%. Les analystes du CNES enregistrent une variation moyenne annuelle de la rémunération des salariés à près de 9% et l'expliquent plus par l'effet volume des effectifs que par l'effet gain en salaires, en d'autres termes, cela signifie que c'est l'augmentation des effectifs qui prend le dessus sur les augmentations de salaires. La perte de pouvoir d'achat ne concerne pas uniquement les salariés du secteur public, mais, également, ceux relevant de la sphère privée avec un recul de 5,2%. 68,2 % des ménages ont contracté un emprunt. 46,43% d'entre eux consacrent les sommes empruntées aux dépenses courantes en raison, probablement, de la faiblesse des revenus et près d'un tiers (31,6%) des ménages algériens s'endettent pour des dépenses courantes. Pour les analystes, Cette situation nouvelle pour les ménages algériens est le signe fort des difficultés financières de près du tiers de ces personnes. Les augmentations de salaires de 2006 n'ont pas changé grand-chose à la donne puisque la rue revendique toujours une nouvelle augmentation des salaires qui a reçu l'accord des pouvoirs publics puisque le gouvernement s'est engagé dans une démarche de revoir à la hausse l'ensemble des salaires de la fonction publique , ce qui ne manquera pas d'avoir un effet boule de neige sur tous les autres secteurs. Et on assistera probablement en 2008 à une spirale inflationniste d'un nouveau genre. Le pouvoir d'achat du salaire est la quantité de biens et de services que l'on peut acheter avec une unité de salaire. Son évolution est directement liée à celles des prix et des salaires. Si les prix augmentent dans un environnement où les salaires sont constants, le pouvoir d'achat diminue, alors que si la hausse des salaires est supérieure à celle des prix, le pouvoir d'achat pourra augmenter. Résultat, lorsque l'on revendique plus de pouvoir d'achat, la solution ne passe pas forcément par une hausse des salaires et peut très bien correspondre à une baisse des prix, mais celle-ci peut être rattrapée au final par des baisses de salaires. À titre d'exemple, si les entreprises dans les transports ou les télécommunications proposent aux consommateurs des prix toujours moins chers, c'est en se rattrapant sur les conditions salariales de leurs employés. Finalement, derrière le débat sur le pouvoir d'achat, ce qui se joue, ce sont les politiques économiques que l'Etat décide de mettre en œuvre. Or, les arbitrages sont généralement peu explicités ces derniers temps. D'ailleurs, les salaires ne sont qu'une composante du revenu. Le fond du problème est plus dans la politique des revenus que le pouvoir d'achat qui reste un élément de cette politique.