Alors que le ministère délégué à la ville (MDV) a disparu en juin dernier, les spécialistes de l'urbanisme et de tout ce qui a trait à la politique de la ville en activité à Annaba, n'arrivent toujours pas à situer les facteurs auxquels répond ce choix politique. Pourtant, tout le travail fait durant ces quelques années d'existence, avait commencé à porter ses fruits. Avec la création de ce ministère en mai 2003, l'espoir de venir à bout de l'incohérence, du dysfonctionnement et du déséquilibre des villes algériennes, était né. Pour cause, le MDV était une pépinière de réflexion sur « comment gérer le dysfonctionnement des villes d'aujourd'hui ? ». Pour eux, la politique de la ville n'est pas synonyme de politique d'urbanisme ou d'habitat, elle est l'intégration à la fois spatiale, sociale et économique de la ville, devant agir sur les formes d'exclusion. Aujourd'hui que ce ministère a disparu, cet espoir s'est dissipé. Selon plusieurs architectes et urbanistes que nous avons interrogés, la décision de supprimer ce ministère était inattendue, car, estiment-ils, en seulement trois ans d'existence, ce ministère a réussi beaucoup de défis : les structures de restructuration des villes commençaient à se mettre en place, et les prémices d'une nouvelle et moderne lecture des villes d'aujourd'hui, à s'affirmer. Ils s'interrogent sur l'opportunité de fusionner habitat et urbanisme dans le même ministère, et de supprimer le MDV. Pourtant, ce dernier était une initiative innovante par rapport aux pays maghrébins, et même quelques-uns européens, dont la France. Pour l'un de ces spécialistes de l'urbanisme, l'idéal serait de créer un ministère de la ville et de l'urbanisme pour qu'il y ait cohérence entre un pôle de réflexion et un pôle d'action, puisqu'en matière d'urbanisme, il est universellement établi que la réflexion est préalable à l'action pour comprendre le dysfonctionnement des villes. S'il n'y a pas une politique de la ville, l'urbanisme se substitue à une série d'actions fragmentées, les expériences vécues l'ayant largement prouvé. Il aurait fallu créer une grande structure qui puisse définir, à la fois la politique de la ville, et les modalités d'action à travers l'urbanisme. La loi algérienne sur la ville définit la taille de la ville en fonction du nombre de ses habitants. Selon cette même loi, est considérée grande ville toute ville dont la population dépasse 100 000 âmes. Ce qui revient à dire qu'en Algérie, il existe au moins une trentaine de grandes villes. A elle seule, la wilaya de Annaba en compte trois : Annaba, El Bouni et Sidi Amar (El Hadjar). Comme toutes les grandes villes algériennes, Annaba est soumise à l'éclatement de son espace, aux dysfonctionnements de son système urbain et à la perte conséquente de son identité. Pour cet architecte et docteur en urbanisme, « la ville est un processus qui se déroule dans un cadre marqué par une ambiguïté entre pratiques, cadre réglementaire et instruments d'urbanisme élaborés ou en cours d'élaboration ». Pour lui, contrairement à Alger, Annaba est une ville de dimension régionale mais ouverte sur l'extérieur, ne possède pas de projets urbains clairement définis en tant que tels. Mais on y peut cerner, à travers de microopérations d'aménagement et de promotions immobilières, les prémices d'une transformation de ses constituants typomorphologiques. Selon lui, cet état de la ville actuel, disposant d'un instrument d'urbanisme, le plan directeur d'aménagement et d'urbanisme (PDAU), approuvé en 1997 et toujours en vigueur, et qui subit des modifications importantes de sa structure spatiale, souvent en contradiction avec les orientations des instruments d'urbanisme, découle d'une conjonction, d'une série d'événements, de décisions, de mécanismes institutionnels et de pratiques sociales diversifiées. « L'espace de la ville, notamment intercommunal, a toujours été traité sans référence à la structure urbaine. Les notions de centralité, de dynamique urbaine, de tendances de croissances urbaines sont absentes », considère notre interlocuteur.