Ces dernières années, dans la majorité des communes de la wilaya de Annaba, plus particulièrement dans celle du chef-lieu, les stigmates des plus grands simulacres urbanistiques sont visibles même aux profanes. Annaba forme un territoire où, par le biais de transactions de coulisse, impliquant des institutions de l'Etat, le mètre carré s'achète et se vend très cher. De quel secours pourrait bien être cette stratégie élaborée par la direction de l'urbanisme de la wilaya en matière de mobilisation du foncier urbanisable et de la restructuration des agglomérations périphériques ? Convaincu que cette stratégie est la meilleure pour éviter les empiétements sur les POS et les PDAU, M. Djellaoui, premier responsable de cette institution, est formel : « Je n'ai rien d'autre à ajouter à ce que vous avez sous les yeux. En ce qui concerne le littoral, la loi en la matière telle que l'interdiction de construire à moins de 300 m sera appliquée dans toute sa rigueur. Je n'ai rien à dire sur les réalisations passées même si ici et là il y a des imperfections. » Non-respect des normes En poste depuis plus de deux années à la tête de la direction de l'urbanisme, M. Djellaoui donne l'impression d'oublier que les mêmes services qu'il gère aujourd'hui sont à l'origine des déprédations de tout ce qui porte Plan d'occupation des sols (POS) et de développement architecture et urbain (PDAU)... Ces plans paraissent organisés de telle manière que tout paraît découler de la légalité. Conséquences : la wilaya, particulièrement sa commune chef-lieu, s'est transformée en une entreprise du foncier très florissante avec une fluctuation constante des normes urbanistiques. Appliquée en fonction des positions sociales et sur la base d'une ségrégation aveugle des habitants, cette fluctuation a donné naissance à un pseudo, néo ou trivial urbanisme. « C'est pourquoi nous avons décidé de construire des tours pour éradiquer totalement cette idée à relents ségrégationnistes entre les populations. Les trois tours de 14 étages à Sidi Salem et les constructions en hauteur prévues à Beni M'haffeur figurent dans notre approche », a précisé M. Djellaoui. Pour de nombreux architectes et urbanistes, les plans urbanistiques tels que conçus actuellement ne répondent pas aux techniques urbanistiques qui tiennent compte des normes socioéconomiques, démographiques et environnementales. « On construira ici 1000 logements, là nous réaliserons une tour RDC + 14, là-bas, des plateformes et logements évolutifs », seraient les décisions les plus courantes applicables aussitôt sans respect des normes. Les autoroutes urbaines, les voies d'accès, les services sociaux annexes (écoles, centres de soins, de culture, sports...) ne sont plus des éléments du paysage urbanistique. Ils ne sont plus ces facteurs que le véritable urbaniste qualifie de points nouveaux pour modifier ou maintenir la prise de conscience de la ville, symboliser la valeur des époques, pour être à la fois matière et lumière, lisse et tendu, complexe et simple afin de répondre à toutes les conjonctures économiques et politiques. Sur la question, le directeur de l'urbanisme précise : « Tous les services annexes sont prévus dans l'ensemble des projets. Ils sont intégrés dans les bâtiments réalisés. »A Annaba, en matière urbanistique, c'est le règne du « pourvu que ça ne fasse pas de vagues », « pourvu que ça ne se voie pas ». Selon les spécialistes de tout ce qui a trait à l'architecture et à l'urbanisme dans cette wilaya, le jeu du chevauchement des politiques sectorielles, l'absence de concertation dans l'élaboration des plans fédératifs des actions à entreprendre, le maintien durant des décennies de cadres à un même poste de responsabilité, la désignation de fonctionnaires ne disposant d'aucune aptitude technique pour intervenir dans l'élaboration de projets ont entraîné l'urbanisme vers des échecs dont il ne se relèvera jamais. La dizaine de PDAU approuvée et la cinquantaine de POS destinée à prendre en charge toute intervention urbaine, ont été archivées. En totale contradiction avec la réglementation en vigueur qui stipule qu'elle ne doit être envisagée qu'en cas d'absence d'un POS ou d'un PDAU, la procédure du choix du terrain préside aux destinées de l'urbanisme. M. Djellaoui dément catégoriquement cette situation lorsqu'il affirme : « Nous disposons de 64 POS, dont 17 devraient être achevés fin 2004. Nous veillons à leur respect. La commission des choix de terrain n'intervient que pour infirmer ou confirmer certaines dispositions. Ce n'est pas pour autant que je dois dire que tout va pour le mieux. Comme dans toute autre activité, il y a bien sûr des erreurs et des imperfections. » Erreurs et imperfection Malheureusement, la réalité du terrain démontre une toute autre situation. En matière d'urbanisme, la moindre erreur ou imperfection est synonyme de catastrophe. Dans ce sens, Annaba en a connu plusieurs à l'image des sites plateformes de Sidi Harb et El Fakharine réalisées durant les années 1980, les permis de construire attribués pour la réalisation d'hôtels à quelques dizaines de mètres des plages, celui portant réalisation du centre familial de la police de Aïn Achir, le mur construit en bordure de la rampe reliant les plages Rizzi Amor à Fellah Rachid, la réfection du bitume du boulevard du 1er Novembre et celle du trottoir de Rizzi Amor sont des opérations qualifiées par plusieurs urbanistes comme étant un non -sens urbanistique. « Sur ordre donné en haut lieu », une autre catastrophe urbanistique est en préparation. Il s'agit de l'opération prévue pour être lancée à Beni M'haffeur supérieur, un superbe site en hauteur que l'on s'apprête à dépecer dans le cadre de la promotion foncière avec des dérives et des dérapages. « C'est faux. C'est dans le cadre d'un POS que cette opération sera réalisée », martèle le directeur de l'urbanisme. En matière de réalisation des programmes AADL, les projets auraient été bâclés sous la contrainte de la disponibilité foncière. Des informations dignes de foi ont affirmé qu'il n' y a pas d'étude d'impact d'une telle masse d'urbanisation sur l'occupation des sols et les besoins induits en matière d'équipements. Malgré les dénégations du premier responsable de l'urbanisme, une commission de choix de terrain présidée par un sociologue continue à agir. Les POS seraient utilisés comme fond de plan ou pour cataloguer des sites sur lesquels devraient être réalisées des tours à l'image de celles de Plaine Ouest, Didouche Mourad, El Hatab, Boukhadra et prochainement à Sidi Salem. « Selon quelle logique, quel principe et quelle étude urbanistique a-t-on décidé de lancer pareilles réalisations. L'urbanisme des technocrates est aujourd'hui dénoncé à l'échelle mondiale. Chez nous, il a encore de beaux jours devant lui. Or, dans toute activité urbanistique, la transparence dans l'élaboration des plans et une plus grande participation de la société civile sont une condition sine qua non pour une parfaite maîtrise de cet aspect de la vie en société. A Annaba, nous sommes toujours à la baguette magique d'urbanisme », a affirmé un des plus vieux urbanistes de la wilaya de Annaba aujourd'hui à la retraite.