A la lumière des vendanges qui peinent à prendre leur rythme de croisière, ce qui n'était que rumeurs et supputations vient malheureusement de se confirmer. Pour s'en convaincre, il suffit de se rendre à la cave de l'ONCV de Fornaka, dans la plaine des Bordjias. Nulle part on ne trouvera trace du moindre viticulteur. Alors que durant les saisons antérieures, cette cave, d'une capacité de trituration de 15 000 hectolitres, drainait des vignerons de toute la région s'étalant entre la plaine de Gdyel, à l'ouest, et les monts du Dahra, à l'est. Remise complètement à niveau grâce à la collaboration d'un opérateur italien, cette cave qui est de construction relativement récente–selon une date incrustée sur le frontispice, elle aurait été construite en 1958, en pleine guerre d'indépendance de l'Algérie- vient de subir des transformations qui en font l'une des plus performantes et des plus aptes à produire des crus de qualité. Ceux-là même qui auront de tout temps fait défaut à la production vinicole nationale. Des équipements ultramodernes où le système de refroidissement par panneaux constitue incontestablement la novation la plus percutante afin de maîtriser totalement les processus de fermentation. Cependant, ces innovations technologiques ne vont point profiter à l'ensemble des agriculteurs de la région qui avaient, durant de longues années, permis de maintenir une certaine régularité dans l'approvisionnement de cette cave ainsi que l'ensemble des caves appartenant à l'ONCV. Car, hormis la première année de son inauguration, qui remonte à l'année 2005, les viticulteurs privés ne seront plus autorisés à livrer leur production. En effet, dès l'année 2006, ils auront beaucoup de difficultés à vendre leurs raisins, dont une grande partie sera sacrifiée sur les vignes. Précocité L'ONCV ayant procédé au recul inconsidéré de la campagne de vendanges, ce sont tous les cépages situés dans les zones côtières qui, en raison d'une précocité avancée, seront totalement desséchés par le soleil. Ceux qui parviendront à livrer leur production, après de longues journées d'attente et d'incertitude, auront la désagréable surprises de voir le règlement de leur marchandises traîner excessivement en longueur. En agissant sur différents plans, l'ONCV laissait clairement deviner une nouvelle orientation. N'ayant pas réussi à vendre sur le marché intérieur et extérieur ses centaines de milliers d'hectolitres, l'entreprise était totalement désarmée face à la paysannerie. Cette dernière n'aura pas mis beaucoup de temps à comprendre que les choses venaient de prendre une tournure irréversible. Ni l'arrivée d'opérateurs privés en vinification, ni l'intrusion pour une seule saison de la coopérative vinicole ne parviendront à relancer la machine. Si bien que dès la fin août, qui correspond au lancement des vendanges, tous les vignerons auront compris que cette année serait bien particulière. En effet, ajouté aux attaques répétées et soutenues de l'oïdium qui fait éclater les baies, le retrait de l'ONCV de cette sphère aura vite fait de décourager les plus tenaces des vignerons. Ils seront sans doute très nombreux à opérer une énième reconversion. Pour certains, dont les terres ne sont pas irrigables, cette mutation risque d'entraîner la faillite de la viticulture régionale. Car à la cave de Fornaka, l'ONCV qui se sera également désintéressé de la production privée de Tlemcen et de Aïn Témouchent, seuls les cépages qu'elle détient dans la région, soit à peine plus de 350 hectares, ainsi que ceux appartenant aux fermes pilotes de Tlemcen, Aïn Témouchent et Sidi Ali pourront être vinifiés. Embarras du choix Loin du tumulte et de la fourmilière habituelle, la cave a de la peine à dégager cette ambiance particulière de ces files ininterrompues de tracteurs traînant des remorques pleines de raisins murs et gorgés de sucres. Les portes en fer étant hermétiquement closes, tout se passant en vase clos, ce sont des camions loués chez des particulières qui se chargent de ramener, parfois sur plus de 250 Km, les précieuses grappes. C'est pourquoi, l'ambiance sur site n'est pas prête de rappeler les années fastes durant lesquelles plus de 100 000 quintaux de raisins étaient transformés par les 3 caves en activité. Pour cette année, il est évident qu'avec un maximum de 1 000 hectares à vendanger, l'ONCV aura l'embarras du choix de produire des vins d'une qualité exceptionnelle. Cependant, en raison de l'extrême maturité des raisins- la campagne n'ayant débuté qu'à la première semaine de septembre- il est attendu un taux d'alcool record que seul un coupage avec des vins anciens pourra atténuer. Car au niveau du consommateur, seul un taux variant entre 11,5 et 12,5 degrés d'alcool est susceptible de trouver preneur. A moins que l'ONCV ne réserve une autre surprise à sa clientèle ! Pour les viticulteurs du Dahra et d'ailleurs, c'est probablement les dernières vendanges avant longtemps.