Alors que l'on s'attend à une bonne récolte pouvant déboucher sur l'élaboration d'excellents crus, deux principaux facteurs annoncent une campagne vendanges qui court à la catastrophe. La menace concerne toutes les régions viticoles du pays, et particulièrement AïnTémouchent qui en est le principal centre. Dans cette perspective, on retient le fait que le début du Ramadhan coïncidera avec les prémices des vendanges en zone précoce, c'est-à-dire sur le littoral, ce qui amènerait le démarrage des vendanges sur les autres zones (plaine et montagne) où le raisin ne sera pas encore à maturité. Le risque est réel si l'on tient compte de l'habitude, à l'approche de la période de jeûne, des viticulteurs à vouloir au plus tôt se débarrasser de leur production et de l'intérêt des transformateurs à vouloir profiter de la situation pour en tirer partie. Le secteur privé n'ayant pas de problème d'écoulement de son vin, grâce à la libéralisation sauage de la filière vitivinicole, voudra prendre de vitesse l'ONCV, sachant que ce dernier accordera les meilleurs avantages aux viticulteurs et que c'est vers lui qu'ils auront tendance à se tourner, d'autant plus que l'opérateur public a récemment vu ses missions orientées dans le sens du soutien à la viticulture. On sait que l'Office ne se permettra pas d'acquérir du raisin dont le taux d'alcool sera en deçà des normes, ce que le privé ne refusera pas, sachant la pratique de la chaptalisation et autres traficotages de la vinification pour produire un vin qui, faute de présenter des qualités organoleptiques certaines, en donnera l'illusion mais surtout l'ivresse. Les risques qui se profilent ainsi que leurs tenants et aboutissants sus-évoqués ont été évoqués lors d'une rencontre organisée par la Chambre d'agriculture, réunion qui a regroupé des producteurs de raisins et des dirigeants de la Coopérative viticole (Viticoop) ainsi que les PDG de l'ONCV et de l'Institut technique de l'arboriculture fruitière et de la vigne (ITAF). Ces deux derniers interpellés, ont déclaré leur impuissance à mettre en œuvre une parade pour sauver la situation. Le premier a rétorqué qu'il ne disposait pas des caves de la coopérative, toutes sont louées aux transformateurs privés. « Je n'ai qu'une seule cave, celle de l'ONCV. Donnez-moi les 17 qui vous appartiennent et vous verrez qu'elles n'ouvriront que lorsque les vendanges devront commencer ! » Satisfaire cette exigence semble impossible dans la mesure où la Viticoop, de prestataire de services s'est mise en situation de simple locatrice de ses caves, une location accordée pour une durée contractée sur le long terme. De la sorte, elle s'est transformée en coopérative rentière alors que jusqu'en 2005, elle assurait la transformation du raisin dans ses caves au profit de l'ONCV moyennant rétribution. A cet égard, il a été signalé que certaines caves louées par le privé sont non utilisées. le locataire s'est ainsi payé le luxe de priver l'ONCV d'en disposer. De la sorte, les viticulteurs sont tombés dans une dépendance telle qu'il ne leur est plus possible de jouer de la concurrence en faveur de leurs intérêts. Quant au PDG de l'ITAF, il a expliqué ne pouvoir rien faire en l'absence d'un instrument juridique. En effet, le code vitivinicole hérité de la période coloniale avait été remanié dans les années 1970, pour correspondre aux réalités de l'économie administrée. De ce fait, il est en total décalage par rapport à la réalité économique actuelle, ce qui d'ailleurs explique en bonne partie les dérives que connaît la filière.