L'assassinat à Beyrouth du député Antoine Ghanem replonge le Liban dans un nouveau cycle de violence terroriste alors que ce pays est à la veille d'une échéance capitale : l'élection du nouveau président de la République. Cet attentat est une épreuve de plus pour le Liban déjà confronté à une pesante et durable crise politique dont les différents protagonistes ne trouvent pas l'issue. Si le nouveau président n'est pas élu dans les délais prévus, c'est la crise qui va s'accentuer davantage en créant un vide institutionnel insurmontable. La majorité parlementaire qui entend respecter le calendrier, même dans ce contexte de deuil, se heurte à des résistances et à des manœuvres pour retarder le processus. Depuis l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, le Liban n'a jamais été épargné par le souffle mauvais de la tourmente. D'autres attentats ont été perpétrés avec la finalité avérée selon les milieux politiques libanais de porter un coup fatal à toute velléité d'indépendance exprimée par de larges pans du peuple. Député chrétien, Antoine Ghanem a été de ces parlementaires qui se sont élevés contre la volonté de mainmise de la Syrie voisine sur les affaires du Liban. Damas est ainsi régulièrement désignée comme le commanditaire des entreprises de déstabilisation du Liban. Implicitement, la Syrie encouragerait, selon ses adversaires, les conditions d'éclatement de la société libanaise dès lors que l'ordre qui garantissait ses privilèges est remis en cause. A ce titre, le président sortant Emile Lahoud est présenté comme un prosyrien alors que lui affirme défendre les intérêts du Liban. Mais les conditions sont difficiles dans un climat lourd de menaces sur l'avenir d'un pays qui ne pourrait pas fonctionner sans président et sans gouvernement légitimes. C'est le spectre de la guerre civile que d'aucuns s'empressent d'agiter alors que rien n'indique que les Libanais s'orientent vers un choix aussi tragique et auquel ils ont payé par le passé un lourd tribut en destructions et en vies humaines. La paix a soudé des liens forts entre les Libanais et la question qui se pose aujourd'hui est celle de savoir à qui profiterait le vide institutionnel au Liban et le saut dans l'inconnu qui en résulterait. Ce qui est sûr, c'est que ceux qui poussent des Libanais à faire, contre d'autres Libanais, le choix du pire, ne leur veulent pas du bien.