Avec l'essor des crédits bancaires en Algérie, la vie des ménages a complètement changé. Des produits que l'on admirait uniquement en vitrine ou par tube cathodique interposé, sont soudain devenus à portée de main, du moins pour les salariés moyens. Constantine : De notre bureau Il faut dire qu'avant l'avènement des banques privées, l'accès aux crédits était réservé à quelques…nantis, qui usaient de leurs connaissances pour décrocher des " sésames " qui demeuraient un vœu pieux pour le commun des consommateurs. Mais, force est de reconnaître que c'est bien une banque algérienne, la CNEP, qui a donné le la pour ce type de crédits . " Nous avons lancé le crédit auto, qui a tout de suite eu un écho des plus favorables, puisqu'il a fallu créer dès les premières semaines des services spécialisés. Malheureusement, des milliers de personnes se sont " engouffrés " dans ce nouveau produit, sans en mesurer les devoirs qu'il fallait assumer, comme le fait de rembourser à échéance. Nous avons eu beaucoup de mauvais payeurs et nous avons été obligés d'arrêter l'opération ", nous dira un cadre de la CNEP. Et puisqu'il fallait relancer l'appareil économique, l'option demande a été choisie avec le crédit à la consommation comme corollaire, l'offre étant assurée par des entreprises spécialisées, surtout dans l'électroménager et les véhicules. El Baraka banque entrera très vite dans la brèche créée par les institutions financières algériennes, et acquerra une grosse part du gâteau grâce à un service appréciable, qui prévoit une écoute attentive du client et un traitement rapide des dossiers. " Nous avons surmonté notre peur des mauvais payeurs en instituant un maximum de garanties pour notre banque avec une assurance crédit et une autre sur la vie du client. Mais, force est de reconnaître que presque la totalité de nos clients jouent le jeu et remboursent à temps. Nous avons commencé avec le crédit auto et nous lançons maintenant le crédit à l'immobilier, en proposant à nos clients des formules très avantageuses ", nous dira en substance M. Naït, directeur d'El Baraka à Constantine. Tout, tout de suite ! Le même son de cloche émane du responsable régional de Société Générale, M. Abdélmoumène. " Nous avons débuté avec plusieurs crédits à la consommation, dont le plus important reste celui lié à l'auto. Les formules " Bien-être " et " Liberté " rencontrent aussi un franc succès, avec des taux d'intérêt de 8,5 à 9%. Il y a aussi le crédit à l'immobilier, dont le taux d'intérêt dépend de la durée et de la somme consentie au client, mais cela tourne autour de 7,75%, en plus de crédits dits d'équipements proposés à des professionnels ( architectes, pharmaciens…) qui veulent développer leurs activités. Néanmoins, et malgré la domiciliation du client à notre niveau, certaines entreprises acceptent de changer l'adresse de leurs travailleurs, malgré un engagement écrit de leur part qui dit le contraire ". Pratiquement les mêmes formules de crédits sont proposées par les banques algériennes, et à leur tête le CPA. Malheureusement, " l'épaisseur " des dossiers des postulants, et la lenteur dans leur traitement, ont fait reculer plus d'un. " J'ai déposé mon dossier pour un prêt auto il y a plus de trois mois ", nous dira Farid S. Et d'ajouter : " On m'a tellement fait poireauter que la voiture que je voulais acquérir n'est plus disponible. Il faut donc que je change de dossier et que je choisisse un autre véhicule, et refaire ainsi tout le parcours du combattant, en espérant que cette fois sera la bonne ". Les postulants à une vie meilleure, grâce aux crédits bancaires, se bousculent donc au portillon, espérant avoir tout, tout de suite, sans toujours mesurer les conséquences de prêts cumulés. C'est le cas de Moncef. Il a accepté de nous raconter les chemins qu'il a empruntés pour se retrouver finalement dans une impasse. " Je touche 38 000 DA par mois, et j'ai voulu acheter une voiture à crédit par le biais d'une banque privée. Cela n'a posé aucun problème. Puis j'ai été pris dans un tourbillon frénétique qui a fait que je me lance aussi dans l'acquisition de biens immobiliers, électroménagers… le tout à crédit. Résultats des courses : je me retrouve aujourd'hui avec une dette mensuelle de 31 000 DA, et qu'il ne me reste plus que 7 000 DA pour vivre. Je navigue à vue pour le moment. Je ne sais pas comment m'en sortir, mais je vais déjà vendre quelques biens que j'ai acquis par crédit pour respirer quelques mois ". Cette situation n'est pas uniquement l'apanage de l'infortuné Moncef, mais celle de plusieurs personnes qui ont choisi de vivre au-dessus de leurs moyens. La spirale des emprunts est telle que les postulants se retrouvent en demeure de rembourser tout ce qu'ils ont acquis, sans quoi la machine de récupération des crédits se met en marche. De telles situations ne devraient pourtant pas exister, puisqu'en vertu des lois en vigueurs, la somme des crédits octroyés ne sauraient dépasser 30% du revenu d'un ménage, ce qui n'est malheureusement pas le cas actuellement. A titre de comparaison, la fièvre du crédit aux Etats-Unis est telle que toute la machine financière américaine se retrouve parfois gagée. Si une situation pareille prévaut dans le pays le plus riche du monde, à cause de surconsommations de crédits, on ose à peine imaginer ce qui pourrait se passer en Algérie, si des garde fous efficaces ne sont pas posés et appliqués en ce qui concerne la politique des crédits.