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Y a-t-il une vie après l'AADL ?
Le crédit immobilier au secours des ménages
Publié dans El Watan le 20 - 01 - 2008

Malgré des conditions d'éligibilité quasi rédhibitoires, le crédit immobilier suscite un engouement accru auprès des ménages qui ont de plus en plus recours aux banques pour financer leur logement.
Objet de toutes les convoitises, l'accès au logement reste le fantasme numéro un des ménages en Algérie, la clé du bonheur, la solution à tous les problèmes. Si la formule « location-vente » a redonné espoir à des milliers de gens, force est de souligner qu'elle n'a pas tenu toutes ses promesses. Au reste, les programmes réalisés ont été en deçà des attentes. Une large partie de demandeurs potentiels se sont retrouvés de ce fait exclus tout à la fois de la location-vente et du social locatif. C'est ainsi que depuis quelques années, beaucoup de ceux qui, pour une raison ou pour une autre, ont raté le « train » de l'AADL, se sont tournés vers les crédits immobiliers, autrement dit vers les banques. La popularité grandissante du crédit à la consommation ne pouvait ne pas déborder sur le logement qui demeure la priorité des priorités pour la grande majorité des ménages. A quel mécanisme obéit le crédit immobilier ? Quelles sont ses arcanes, ses conditionnalités, ses humeurs ? Nos banques sont-elles à l'écoute ? Comment réagissent-elles ? Leur éventail d'offres est-il adapté au « cœur de cible » de ce nouveau produit qu'est le crédit immobilier ? Pour les besoins de notre enquête, nous avons fait le tour de pas moins de huit établissements bancaires, comprendre huit labels, avec, parfois plusieurs agences pour le même label. Objectif : tester, in situ, les prêts hypothécaires aux particuliers. Premier constat, et c'est plutôt une bonne nouvelle, l'accueil s'est nettement amélioré au sein des agences primaires. Dans chaque agence, un ou des employé(s) sont affectés exclusivement pour ce type de crédit. Des dépliants à l'entrée renseignent sur le dispositif de financement avec des photos improbables d'immeubles HLM améliorés ou des maisonnettes flambant neuves qui n'attendent que l'heureux élu pour lui ouvrir leurs portes. Le candidat au bonheur à crédit est convié à prendre sa place en attendant son tour. Au bout de l'attente, il lui est proposé une simulation pour une fourchette de prêt personnalisée. Certains sites proposent des simulations par internet, comme c'est le cas de ceux de la Cnep et de la BDL pour ne citer que ceux-là. Si un effort certain est consenti par les banques pour améliorer leur image de marque auprès d'un public qui les a toujours considérées comme des forteresses infranchissables, il faut dire que l'opinion n'en continue pas moins de considérer les institutions bancaires comme des établissements réservés aux nantis, conformément à l'adage « On ne prête qu'aux riches ».
Une demande croissante
Et le labyrinthe bureaucratique menant vers le crédit tant rêvé n'est pas fait pour arranger les choses. Résumant cette situation, un cadre commente : « Il te faut une tonne de paperasse pour qu'à la fin, ils exigent de toi un apport personnel de 2 ou 3 millions de dinars pour financer ton logement. C'est complètement aberrant. » Malgré des conditions d'éligibilité qui confinent parfois à l'exclusion de masse, force est de constater que les prêts hypothécaires aux particuliers suscitent un engouement croissant auprès des ménages. Achat de particulier à particulier (PAP), montage financier pour l'acquisition d'un logement « LSP » (logement social participatif) ou « VSP » (vente sur plan), auto-construction, extension, les formules ne manquent pas. Il est vrai toutefois que notre attention se porte principalement sur le marché secondaire du logement, comprendre le parc de logements anciens proposés à la vente. Les statistiques corroborent en tout cas cette tendance. A la Cnep, banque qui reste leader du marché de l'habitat à hauteur de 75% des stocks, selon Salim Messaoudi, directeur des crédits aux particuliers, avec plus de 50 milliards de dinars d'encours, les demandes sur ce type de crédit sont en hausse. Selon M. Messaoudi, le nombre de bénéficiaires de crédit est passé de 14 600, soit l'équivalent de 11,4 milliards de dinars en 2005, à 17 500 crédits (15 milliards de dinars) en 2006. De janvier à novembre 2007, le nombre de crédits octroyés était de 17 700, avec un montant global de 16,7 milliards de dinars. Même son de cloche au CPA où l'on nous assurera, par la voix de Rachid Metref, directeur des crédits spécifiques et aux particuliers, que les crédits alloués connaissent une nette progression d'année en année. Le CPA a débloqué durant l'exercice 2007 entre 10 et 11 milliards de dinars de crédit logement. Depuis 1999, année où le Crédit populaire d'Algérie a intégré ce créneau à sa gamme d'activités, il a eu à traiter quelque 20 000 dossiers dont 16 000 ont été avalisés. « Nous étudions en moyenne 2000 à 3000 dossiers par an », dit M. Metref. Sollicitée par nos soins, la BDL n'a visiblement pas souhaité communiquer sur ce sujet. La question qui nous brûle les lèvres est évidemment de savoir les conditions d'accès au crédit. C'est un véritable chemin de croix, faut-il l'admettre, qui sépare le citoyen du chèque miracle. Quand l'on se représente que le salaire des classes moyennes - ou plutôt ce qui en reste - oscille entre 20 et 30 000 DA, il est aisé d'en déduire que le crédit sera fatalement bien en deçà du prix du marché. La problématique est simple : tandis que le pouvoir d'achat ne fait que s'éroder, les ménages sont dans l'incapacité structurelle de prétendre à des crédits conséquents, notamment dans les grandes villes où le logement se négocie à pas moins de 4 millions ou 5 millions de dinars pour le bas de gamme. Ce qui turlupine les gens à ce propos, c'est en premier lieu l'apport personnel. Si l'on considère que la majorité des ménages qui nécessitent un appui au financement du logement, relève de ce qui est appelé « les revenus intermédiaires », et si l'on retient que tous ne sont pas pris en charge par le LSP (logement social participatif) qui a été institué précisément pour les « moins de 5 fois le SNMG », le marché secondaire du logement est le seul espoir pour beaucoup de familles. Or, en bout de course, et les exercices de simulation le prouvent (lire : « Moi Dahmane…), les crédits proposés par les banques, tous labels confondus, sont très souvent dérisoires face à un marché spéculatif féroce où l'immobilier se négocie au prix fort. « Si j'avais 200 ou 300 millions, je ne me serais pas tourné vers la banque », fulmine encore notre cadre.
La Cnep « canal historique »
Forte de 200 agences réparties sur le territoire national, la Cnep reste la banque emblématique du logement. « Qui dit logement, dit Cnep, comme on dit frigidaire pour réfrigérateur », lance M. Messaoudi. Cela rappelle l'histoire du « jus d'orange d'abricot » de Fellag. Pionnier et « canal historique » du crédit au logement, la Cnep qui était jusqu'à une date récente assimilée à une sorte d'OPGI-bis, a négocié un virage de 180° en se transformant en banque commerciale, avec tous les attributs d'un établissement financier. Il n'empêche que la Cnep reste « la banque des pauvres », comme d'aucuns se plaisent à l'appeler, sauf que les « zaoualia » s'y reconnaissent de moins en moins vu que, toute banque publique et première banque du logement qu'elle est, ses produits ne dérogent pas à la loi du marché qui voit dans le logement un produit marchand comme un autre. Les chiffres avancés plus haut montrent qu'elle reste, néanmoins, la première destination des ménages quand il s'agit du financement d'un logement moyennant prêt hypothécaire. Les crédits Cnep destinés au logement sont de 67% pour l'acquisition et 33% pour la construction. Dans un souci de gagner un public plus large, la Cnep a envisagé un certain nombre de mesures. Elle a ainsi mis en place un dispositif censé optimiser les chances des clients à revenus moyens de manière à rester le sponsor numéro un de l'habitat. La Cnep est ainsi la seule banque sur le marché à proposer une offre pouvant constituer jusqu'à 90% du prix du logement à financer. C'est également la seule dont la durée du crédit peut atteindre 30 ans, alors que la quasi-totalité de ses concurrentes ne vont pas au-delà de 20 ans, 25 maximum. Il y a également la formule de la « co-débition », mécanisme par lequel le candidat au crédit peut associer son conjoint, un ascendant, descendant, frère ou sœur, en vue d'obtenir un crédit plus important. La majorité des autres banques se limitent au conjoint. Engagée résolument dans la construction de logements, la Cnep semble se retirer petit à petit de l'intervention directe sur le marché de la production pour se concentrer sur le financement. Sa séparation de sa filiale Cnep-Immo est-elle sans doute à interpréter comme la dernière étape de ce changement de cap. Rebondissant sur l'insuffisance des crédits alloués par rapport à la réalité du marché, M. Messaoudi invoque comme tous les banquiers avec lesquels nous nous sommes entretenus, le souci de « solvabilité » des clients. Le directeur des crédits aux particuliers souligne que la solvabilité des clients de la Cnep s'est nettement améliorée ces dernières années : « Nous sommes aujourd'hui à 95% de taux de recouvrement de nos crédits », assure-t-il. Questionné sur la cherté des crédits, M. Messaoudi invoque l'argument de la nécessité de « couvrir les taux d'inflation ». « A 5,25% pour les épargnants, nous pratiquons des taux corrects », poursuit-il. Cela reflète aussi le souci de couvrir la rémunération des dépôts. « Nous veillons à la solvabilité du client, mais aussi à son bien-être. Il faut lui laisser de quoi vivre dignement », argue notre interlocuteur. Au passage, est évoquée l'affaire des « subprimes » aux Etats-Unis et ses effets psychologiques : le spectre du surendettement. « Faute d'une centrale des risques sur les ménages, toutes les banques courent le risque du surendettement », avertit M. Messaoudi. « Néanmoins, nous avons une base très étoffée, un fichier clients de plus de 40 ans qui nous permet de savoir si un client a contracté déjà un prêt. La Banque d'Algérie est sur le point de mettre sur pied une centrale des ménages afin d'éviter le cumul de crédits et l'insolvabilité généralisée qui peut conduire à des crises systémiques. »


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