Le tribunal permanent des peuples est une juridiction symbolique qui tient des procès fictifs dans lesquels il simule des procès contre les Etats coupables de violations des droits de l'homme. Ce tribunal a été fondé en juin 1979 a Bologne par des juristes, écrivains et autres intellectuels, sous l'impulsion de la fondation internationale Lelio Basso pour le droit et la libération des peuples. Ce tribunal a succédé aux tribunaux Russel qui avaient mis à nu, dans les années 1960 -1970 les crimes de guerre commis au Vietnam. Il avait été présidé par l'Anglais Bertrand Russel, puis le Français Jean-Paul Sartre et l'Italien Lelio Basso. Il est actuellement présidé par Salvatore Senese, magistrat italien. Il a consacré sa 32e session au cas algérien. Ce procès imaginaire s'est tenu à Paris du 5 au 8 novembre 2004. Le choix de la date n'est, semble t-il, pas fortuit, il a sa charge symbolique en coïncidant à quelques jours près avec le cinquantenaire de l'indépendance algérienne. Ce tribunal fictif fonctionne comme un tribunal réel. Il agit sur saisine des victimes ou s'autosaisit lui- même. En l'espèce, il a été saisi par le comité Justice pour l'Algérie sorte de comité ad hoc créé en 2003 pour organiser cette initiative. Parmi ses membres fondateurs, citons Madjid Bencheikh, éminent professeur de droit établi en France, Nacéra Dutour (sos disparus), Francois Géze (éditions la découverte) Ghazi Hidouci (ancien ministre) etc. Le tribunal est permanent mais sa composante ne l'est pas, les juges sont connus au début de l'audience. Parmi les membres de cette auguste juridiction en charge de l'affaire algérienne, citons Bourhan Ghalioun, sociologue connu pour ses écrits sur la nation arabe, et Sihem Bensédrine, militante tunisienne des droits de l'homme, ainsi que d'autres professeurs universitaires européens. Dans le jugement de l'affaire algérienne, le tribunal s'est surpris en flagrant délit de violation de sa propre procédure notamment : Précisant statuer en audience publique, il siégea à huis clos en n'autorisant l'accès qu'aux personnes invitées. L'audience traitant d'une question publique se déroula dans un cadre privé. Curieux traitement aussi privé d'une question aussi publique. L'opacité contraste avec la défense des droits de l'homme qui requiert la transparence. Le peuple ne juge pas à huis clos. Cette institution prenait moins l'allure d'un tribunal populaire que d'une société secrète. Déclarant opérer selon le principe du contradictoire, il a préparé et géré le dossier à sens unique et ce en omettant de convoquer la défense de l'Etat algérien. Le principe du contradictoire, l'obligation d'instruire et juger à charge et à décharge ainsi que les droits de la défense ont été allégrement violés. Ce procès a été un défilé de témoins à charge connus pour leurs positions qui ne manquent pas de courage ni de noblesse, mais qui sont tous connus pour une mise en cause de l'Etat algérien et notamment de son armée dans les drames qui ont ensanglanté le pays. Citons notamment Ali Yahia Abdennour, Salima Ghezali, Francois Géze-Habib, Souaïdia, Lahouari Addi, Salima Mellah, animatrice d'Algéria Watch. La crédibilité du procès souffre d'un déficit de contradiction. Les débats à l'intérieur de l'enceinte sans être houleux ont du être intéressants même si tout allait à sens unique. L'Etat algérien n'avait ni de témoin à décharge ni de défenseur comme le stipule la procédure du tribunal et les garanties d'un jugement équitable. Cette carence entache le procès de nullité absolue. A côté de l'absence de l'accusé qui annule l'instance, une autre omission dans les chapitres des faits et des victimes sème la suspicion et le doute. Les victimes du terrorisme brillaient par leur absence ; aucune d'elle n'a été appelée à la barre, elles n'ont pas suscité la compassion de ceux qui ont déclenché la procédure, je ne cite personne, cherchez les plaignants. Déplorable discrimination dans le malheur. Cette omission faisait l'impasse et passait sous un silence honteux tous les crimes et massacres inoubliables de la horde terroriste dans ce pays exsangue. Finalement beaucoup de choses laissent planer le doute sur ce procès fictif et quelque part un peu faux. Cette façon d'organiser laisse planer une suspicion légitime quant aux intentions des initiateurs. Une volonté de faire la vérité et rendre justice ? Ou instaurer, non pas un débat, mais une rencontre partielle, partiale avec un préalable parti pris ?