Sorti de l'anonymat avec la bombe du dossier des « magistrats faussaires » qui lui avait valu d'être condamné à trois ans de prison avec sursis, Mellouk n'a pas fini de manger son pain noir. Interpellé dimanche par les services de sécurité sur la base d'un mandat d'amener lancé contre lui par la justice, les choses semblent se corser pour lui alors qu'il pensait que son dossier était clos, du moins au plan pénal. Le rebondissement de ce dossier était en vérité prévisible. Mellouk, qui a refusé d'abdiquer suite aux pressions multiformes exercées sur lui via la justice annonçant, avec chiffres à l'appui, détenir une liste de noms de magistrats et de hauts responsables dans l'appareil de l'Etat faussaires, n'ignorait sans doute pas qu'il y a un prix à payer dans le combat qu'il mène contre la gabegie dans la conduite des affaires de l'Etat. S'il avait médité le message politique sous-jacent à sa condamnation par la justice à trois ans de prison avec sursis et qu'il s'était résigné au silence, à ne plus se mêler des affaires qui ne le regardent pas, il n'en serait pas là où il se trouve aujourd'hui : à répondre de plaintes sur lesquelles la justice s'est déjà prononcée et pour lesquelles il a déjà payé un lourd tribut en sacrifiant carrière, vie familiale et santé. Il savait bien en engageant ce combat ce à quoi il pouvait s'exposer. Il a accepté d'aller au charbon et assume pleinement ses actes. Mais il l'a certainement fait parce que convaincu quelque part aussi qu'il n'était pas seul dans le pays à militer pour démasquer tous les rentiers qui vivent aux dépens de l'argent de l'Etat et du contribuable, et dans le cas précis, les faux moudjahidine qui causent un double préjudice au pays : financier et moral. Lorsque le scandale avait éclaté, certains l'avaient pris carrément pour quelqu'un qui n'a pas la tête sur les épaules pour oser s'attaquer à un dossier aussi explosif mettant en cause des personnalités du système. D'autres ont crié à la manipulation. Au final, Mellouk s'est retrouvé désespérément seul à mener ce combat. Il n'a trouvé aucun soutien ni dans la société civile, ni dans les partis, encore moins dans les rangs des vrais moudjahidine qui sont restés étrangement sourds à l'opération de réhabilitation de la mémoire — car c'est de cela en fait qu'il s'agit — qu'il a courageusement engagée. Il est quand même curieux qu'un homme qui se bat contre le voile du silence des institutions qui couvre sa rage de la manifestation de la vérité dans cette affaire ne trouve aucune oreille attentive dans la société qui lui tourne le dos ! La seule réponse est venue de la justice. Dans un Etat de droit, sur simple dénonciation de citoyens, la machine de la transparence se met rapidement en branle. Le face-à-face qui oppose Mellouk à la justice n'a rien de rassurant pour la démocratie en Algérie. Mellouk qui continue à défendre avec la même énergie son dossier, convaincu de son bien-fondé, ne désespère pas que son appel parvienne à briser le mur du silence et arrive aux oreilles des plus hautes autorités du pays. Comment expliquer qu'un homme qui jure n'être mû que par un esprit patriotique, qui affirme détenir un dossier documenté sur l'usurpation de la qualité de moudjahid par des magistrats et des personnalités, n'intéresse pas le ministre des Moudjahidine, l'organisation des moudjahidine, les services de la présidence de la République, ni aucune autre autorité civile à l‘exception de la justice ? Il y a comme un embargo qui frappe Mellouk et son dossier des faux moudjahidine. Il reste à savoir pourquoi, au niveau institutionnel, ce dossier qui pose un grave problème de viol de la mémoire gêne-t-il tant. On se rappelle dans certaines affaires relatives à la mémoire qui avaient défrayé la chronique en France comment la classe politique, la société civile, les médias, le gouvernement et la justice en dernier ressort, s'étaient mobilisés pour rétablir des faits historiques, objets de polémiques. En Algérie, tant que l'histoire est entre les mains du politique qui l'instrumentalise pour accéder à des privilèges ou à des fins de glorification personnelle, la Révolution dans sa pureté et son authenticité restera toujours soumise à tous les aléas et marchandages.