Nous abordons aujourd'hui le sort des musulmans occidentaux qu'ils soient nationaux citoyens ou hôtes résidant dans les pays constituant ce qu'on appelle communément l'Occident. Nous passerons en revue leur situation dans un contexte où jamais la question islamique n'a été posée avec autant d'acuité que ces temps-ci. C'est à dessein que nous parlons de « question » avec ce qu'elle induit, de nos jours, comme problèmes épineux et sérieux, tout comme on évoquait au début du siècle écoulé la question d'Orient avec les implications politiques et géostratégiques que nous connaissons et les séquelles profondes auxquelles la communauté internationale est confrontée. Ainsi, la question islamique est-elle devenue depuis deux décennies, cruciale et fondamentale en Occident. Elle est, comme nous l'avons souligné (voir chronique 1), au centre d'enjeux nationaux et internationaux, dans un climat de tension, de craintes et d'incompréhension. En outre, un traitement médiatique particulier ainsi qu'une production éditoriale abondante ont davantage exacerbé ces tensions. Il est vrai qu'à ce sujet, une littérature de gare foisonnante souvent insidieuse et une analyse de comptoir proliférante parfois tendancieuse n'ont pas permis de voir plus clair et encore moins d'aplanir les dites tensions. Les attentats de New York, de Madrid et de Londres ont frappé les esprits. Les affaires comme celle des Versets sataniques en Grande-Bretagne et celle du port du voile en France ainsi que celle plus récente de l'assassinat du cinéaste Theo Van Gogh aux Pays-Bas, ont très vite pollué le débat et brouillé le message. La malheureuse histoire des caricatures du Prophète Mohamed et le dernier dérapage du pape Benoît XVI conjugué à la volonté provocatrice de l'enseignant français Robert Redeker ont encore aggravé l'incompréhension entre bon nombre de musulmans et leurs concitoyens dans les pays européens. Et nous assistons, ahuris, à une montée d'une certaine hystérie collective caractérisée par une exagération des modalités d'expression d'une flopée d'analystes, de stratèges et autres observateurs « avisés ». Elle gagne toutes les franges des opinions publiques occidentales, depuis celles qui se méfient jusqu'à celles qui s'en prennent carrément aux lieux de culte. En outre, la querelle sur l'inscription de la référence chrétienne dans le préambule du traité constitutionnel européen rappelée avec force, entre autres, par la curie romaine, puis les récentes déclarations des autorités britanniques indiquant que des milliers de citoyens musulmans font l'objet d'une surveillance accrue, ne sont pas faites pour apaiser les tensions ni rassurer les esprits. Et pour couronner le tout, un ministre allemand projette de ficher tous ses concitoyens administrés qui embrassent la religion islamique ! Aussi, une islamophobie ambiante se fait-elle sentir. Par moment, la psychose est quasi palpable. A vrai dire, cette peur de l'Islam est explicable pour une part, d'abord et surtout par le comportement déviant, inqualifiable d'une minorité d'illuminés exaltés, autoproclamés seuls procurateurs de Dieu, défenseurs exclusifs de ses droits, alors qu'ils ne cessent de tout bafouer. Au moment où les quelques notabilités intellectuelles et religieuses, non sans grand courage et au péril de leur vie, clamaient leur innocence, elles ne trouvaient pas les tribunes médiatiques pour relayer leur clameur, occupées qu'elles sont par la surenchère et la recherche du sensationnel. Nous l'avons dit et nous nous sommes égosillés à le répéter : nous récusons et fustigeons toutes les dérives meurtrières de quelque doctrine nihiliste destructrice que ce soit, a fortiori, lorsque la Révélation de Dieu est avilie et pervertie. Nous sommes tourmentés lorsque les préceptes islamiques d'amour et de miséricorde auxquels nous sommes très attachés sont distordus. Ensuite, cette phobie est due aussi à la méconnaissance gravissime du sujet. Le simple vocable « Islam » génère beaucoup de fantasmes. Que le citoyen européen de base, choqué par l'hyperterrorisme, colporte, dans des raccourcis hâtifs, des préjugés saugrenus, ce serait compréhensible voire excusable dans une certaine mesure. Nous pourrons simplement regretter que ce citoyen délègue sa capacité d'entendement aux faiseurs d'opinions. Mais le drame réside justement au niveau de certaines déclarations d'autorités politiques, religieuses, journalistiques et académiques. Que de billevesées et de fadaises n'ont-elles pas déversées ! Que d'inepties et d'idioties ne continuent-elles pas à débiter ! Comme un bon journaliste est celui qui donne à penser et un mauvais journaliste est celui qui livre sa pensée, en matière d'Islam, les pensées sont toutes faites, toutes prêtes. Le discours alarmant et creux ne maîtrise même pas le vocabulaire afférent à la tradition islamique. On entend que le djihad est une guerre sainte, et que la fetwa est une condamnation à mort. La charia y est présentée comme une loi de coupeurs de mains et Allah comme une divinité mahométane ! A ce jeu, Deus serait une divinité vaticane et God une divinité anglicane ! En réalité, après le péril rouge disparaissant et le péril jaune évanescent, voilà le péril vert plus que menaçant. Et dans ce spectre des couleurs, c'est le spectre de la peur qui est brandi afin de caresser les bas instincts de l'homme et jouer sur ses angoisses pour des raisons électoralistes et d'audimat.