Alors qu'il a pour rôle d'éclairer l'opinion sur tout, le journaliste ne parle pas assez de sa propre situation socioprofessionnelle. La corporation journalistique est dépourvue de statut particulier, donc souffrant d'absence de couverture juridique définissant les rôles, droits et devoirs du journaliste qui se trouve souvent livré à lui-même face aux pressions et à la précarité. Le Syndicat national des journalistes et en association avec la fondation allemande Konrad Adenauer ont pris l'initiative de toucher du doigt la question en quête d'un statut particulier qui reste chère aux yeux de la profession journalistique, en organisant, dans la soirée de mardi au Sheraton Club des Pins, un atelier sur « l'initiation aux techniques de la négociation collective et la protection sociale et juridique du journaliste », auquel ont pris part journalistes, éditeurs et experts juridiques. Alors qu'une brèche avait été ouverte avec l'ex-ministre de la Communication, El Hachemi Djiar, en faveur de la confection d'un texte bien adapté à la situation de la presse algérienne, le projet s'en est trouvé bloqué après la nomination de l'actuel ministre, Abderrachid Boukerzaza. « Il faut absolument débloquer ce projet, car il s'agit d'un véritable acquis à la fois pour les éditeurs et les journalistes », souligne Brahim Brahimi, docteur en droit de l'information. « Il existe un vide juridique depuis 1990, il y a eu des tentatives pour mettre au point un projet de statut, mais cela n'a pas abouti. Mais l'année dernière, experts de l'information, juristes, journalistes et représentants du ministère de la Communication sont arrivés à finaliser un texte qui a été présenté au ministère du Travail. Mais je ne comprends pas pourquoi il n'a pas abouti, et pourquoi l'actuel ministre n'en parle même pas », indique M. Brahimi. Ce dernier évoque le projet du défunt Seddik Benyahia qui a été précurseur à penser à un statut de journaliste à travers la circulaire de mars 1973 dans laquelle un plan de carrière pour les journalistes a été établi. « Je pense qu'aujourd'hui, il est impératif de penser à un statut garantissant les mêmes critères d'avancement pour les journalistes, et l'idéal serait d'arriver à élaborer une convention collective générale et des conventions internes propres à chaque organe de presse », dira M. Brahimi. Pour Abdelkader Djamel, consultant et ex-directeur de l'Institut du travail, il existe une relation de travail inégale entre l'employeur et le salarié, d'où l'importance d'un code de travail pour protéger les droits des salariés. L'expert du droit des travailleurs estime que l'Etat qui trace les règles de l'ordre public social laisse aux parties concernées (entreprises et travailleurs) le soin de définir la relation de travail. « Il faut spécialiser l'approche sur le travail du journaliste, et aller à des normes et garanties particulières, un journaliste n'est pas un simple salarié, c'est un créateur, il lui faut des formes de rémunération particulières et une flexibilité dans les heures de travail, mais aussi un plan de carrière spécial où l'avancement est d'abord affaire de compétence et non pas de diplôme », estime Djamel Abdelkader qui fustige la démarche entreprise par le ministère du Travail dans les annonces faites sur le nouveau code du travail qui piétine depuis 2004. Pour le SNJ, le moment est plus que jamais venu pour interpeller « l'ensemble des intervenants dans le domaine des médias sur la nécessité de se pencher sur cette épineuse question, notamment l'adoption d'un statut de la profession et d'une convention collective ». Dans une déclaration émise en fin des travaux, le SNJ appelle d'abord les éditeurs à ouvrir un débat social avec le syndicat afin d'arriver à un accord cadre pour le respect des droits des journalistes. Mais encore, il exhorte les pouvoirs publics à accélérer le processus de promulgation et d'application du statut du journaliste déjà élaboré avec le ministère de la Communication, condition déterminante pour entrer en négociations avec la convention collective.