Le Ramadhan qui vient de s'achever aura été finalement un inespéré amortisseur des chocs sociaux et politiques pour le pouvoir qui a pu ainsi bénéficier, un mois durant, d'une espèce d'état de grâce général. Le front social qui grondait avec le dossier de la nouvelle grille des salaires de la Fonction publique vivement rejetée et dénoncée par de larges segments des travailleurs de ce secteur a connu durant ce mois sacré une relative accalmie. Il est connu que le mois de Ramadhan n'est pas un mois propice pour les grands changements et les grandes décisions qui rythment la vie nationale. Mais il se trouve que le Ramadhan ne dure que 30 jours et les dures réalités de la vie quotidienne, l'ordre temporel, ont vite fait de reprendre le dessus sur les considérations d'ordre spirituel qui ont gommé à l'occasion du Ramadhan, mois de piété et du pardon, toutes les aspérités et les violences de toutes natures secrétées dans la société. Cependant, cette réconciliation spirituelle, sociale des Algériens qu'il ne faut pas confondre avec l'autre projet, politique celui-là, de la réconciliation nationale, n'aura vécu que le temps du Ramadhan. La rentrée sociale et politique qui a été officiellement lancée avec la reprise de la vie institutionnelle aura été freinée dans sa lancée durant ce mois poussant les pouvoirs publics, la classe politique et les organisations sociales à observer une pause en attendant le grand départ, les grandes confrontations. Au milieu de cette léthargie ambiante, le président Bouteflika, pour la seconde année consécutive, a voulu casser cette image de l'Algérie oisive en auditionnant sans discontinuer les ministres du gouvernement durant ce mois sacré. Mais ces oraux au sommet de l'Etat que d'aucuns ont assimilé à une opération de marketing politique n'auront créé aucune dynamique dans le pays. La véritable rentrée commence donc à partir d'aujourd'hui. Le gouvernement qui a été mis en examen par le président de la République à travers les auditions des ministres est sommé de se mettre au travail muni d'une nouvelle feuille de route, de nouvelles exigences et de nouveaux paris. Pour nombre d'observateurs, cette débauche d'énergie au plus haut sommet de l'Etat est loin d'avoir fixé de manière résolue et féconde le cap du développement. On a eu droit, dit-on, à un débat institutionnel, à sens unique, de légitimation de l'action gouvernementale et partant de l'évaluation fatalement positive sur le terrain du programme présidentiel. Sans contradicteurs et sans témoins gênants. Tous les grands dossiers qui interpellent, souvent violemment, notre quotidien furent superbement ignorés dans ce supposé grand déballage du bilan de l'exécutif qui n'en fut vraiment pas un. Au premier rang de ces dossiers : la question sécuritaire qui n'a pas perturbé la sérénité des auditions présidentielles en dépit des événements sanglants qu'a connus le pays au cours de ces dernières semaines. Il y a aussi le front social qui menace de rompre, à tout instant, les prochaines échéances électorales qui ne suscitent pas beaucoup d'intérêt auprès de la population... Les chemins de l'Algérie d'en haut et de l'Algérie d'en bas ne se rencontreront-ils donc jamais ?