Bien qu'il n'ait jamais été rendu public, le manque à gagner pour l'Algérie dû à l'incessante dépréciation du dollar américain (monnaie par laquelle sont libellés 98% de nos exportations) face à l'euro est de plus en plus important. L'ancien ministre des Finances, Abdelatif Benachenhou, a été parmi les rares officiels, voire le seul à avoir évoqué en 2004 ce problème en le qualifiant de « miniséisme ». Lors d'une rencontre-débat organisée par le FCE il y a quelques jours, Benachenhou est revenu à la charge en indiquant qu'à l'heure actuelle « le baril du brut que nous disons pompeusement qu'il vaut 80 dollars, dans la réalité en termes de pouvoir d'achat des équipements électriques, pétroliers, gaziers… il ne vaut plus que 50 dollars, et pour certains biens, il ne vaut plus que 30 dollars ». Un simple calcul peut nous renseigner sur l'ampleur des pertes causées aux recettes du pays mais surtout à la valeur de ses réserves des changes. Il est clair que le manque à gagner se chiffre en milliards de dollars. Intervenant hier sur les ondes de la radio nationale Chaîne III, le ministre de l'Energie, Chakib Khelil, était plutôt moins alarmiste sur la question. Il expliquera que « même si 98% des exportations algériennes sont libellés en dollar, principale monnaie d'échange dans les transactions pétrolières internationales, et que 60% de ses importations proviennent de la zone euro, les records de prix qu'enregistre le baril de pétrole relativisent cette perte de pouvoir d'achat et mettent le pays à l'abri des effets négatifs de ces fluctuations monétaires. Pour lui, l'Algérie est d'autant plus épargnée par la flambée de l'euro que son pétrole, le Sahara Blend, de qualité supérieure, fortement coté et ayant atteint aujourd'hui les 84 dollars le baril, soit 2 à 3 dollars de plus que la moyenne mondiale. Interrogé sur les possibles parades dans le cas où la faiblesse de la devise américaine venait à durer trop longtemps, M. Khelil a estimé que l'Algérie pourrait recourir à une meilleure diversification de ses sources d'approvisionnement en achetant davantage de la zone dollar, même s'il admet la difficulté de « changer de fournisseur du jour au lendemain ». En outre, a-t-il encore considéré, les fluctuations monétaires internationales sont tellement erratiques et imprévisibles qu'elles rendent « problématique » toute prévision en matière de commerce extérieur sur le long terme. L'ensemble de ces facteurs et d'autres font, selon lui, que le dollar « restera encore longtemps l'unique monnaie d'échange » sur le marché pétrolier international. Cette question doit être tout de même examinée par l'Opep à sa prochaine conférence ministérielle le 5 décembre prochaine à Abou Dhabi, a indiqué le ministre. Pour justement pallier l'inflation et préserver le pouvoir d'achat, l'Iran est le premier pays qui a officiellement adopté la devise européenne, l'euro, à la place du dollar américain, pour ses exportations de brut. Une idée qui a plu à un autre pays membre de l'Opep, le Venezuela, dont le président Hugo Chavez avait également annoncé dernièrement qu'il envisagerait de libeller les exportations du pétrole de son pays en euro. Quatrième pays exportateur du pétrole, l'Iran vend actuellement 85% de son pétrole en devises autres que le dollar. Seulement 20% de ses réserves en devises sont libellées en dollars. Plusieurs banques centrales, dont celles d'Indonésie, des Emirats et du Venezuela, ont déjà pris des mesures similaires pour se prémunir contre la baisse du dollar. Qu'en est-il alors de la Banque d'Algérie ? Chakib Khelil s'en est-il déjà démarqué ?