En rituel annuel, le marché international des contenus audiovisuels (Mipcom) de Cannes a de nouveau, la semaine dernière, fait se rencontrer les décideurs, entrepreneurs et stars du secteur. Chaque année l'évènement constitue en même temps un baromètre des tendances des genres en vogue et une jauge de la continuelle dépendance de la programmation des télévisions du monde aux goûts des producteurs. En fait au formatage des goûts par de fins experts en marketing. Entre les chaînes et les producteurs l'ambiance est tendue a estimé l'un de ces derniers : « Il y a un vrai problème de confiance entre les diffuseurs et nous. Les chaînes nous disent : Tiens on a fait une étude de marché, il faut toucher cette cible, et il faut que tu prennes telle actrice … Résultat ça donne du formaté ». Des clones de jeux, série et télé réalité de moule américain. Au centre de l'évolution une étude présentée lors de l'évènement scanne les tendances. Elle en pointe en particulier deux d'entre elles. L'étude Nota (New on the air) de la société française Médiamétrie relève d'abord que « l'air du temps » en matière de programmation de télévision se renforce en programmes liés « à la détente et au divertissement », des programmes de flux à plus value réduite : jeux et quiz. En parallèle à leur fort maintien s'incruste de façon plus notable celle de la télé réalité. Et ce seulement huit années après la programmation de l'un de ses produits phare : « Big Brother ». Ces programmes pompent les budgets de production ou coproduction des chaînes ; à la différence des programmes dits patrimoniaux (fiction, dessins animés et documentaires). Alors que la plupart des instances de régulation de l'audiovisuel en pays démocratiques fixent entre autres obligations de cahier des charges celle d'un investissement en le chapitre. Les scores enregistrés et claironnés au Mipcom font la part belle à la promotion de la prochaine version de « Star Academy », pour cette fin octobre. De même qu'au succès d'audimat de la septième saison de la télé réalité « Koh Lanta », talonnée par « Secret Story », dérivée de « Loft Story ». En marge du Mipcom un colloque a permis de poser des contrepoints au contentement des marchands de programmes. L'une des voix, celle du directeur de la chaîne néerlandaise publique BNN, a présenté son expérience, renouvelée depuis près de dix ans, de programmes alternatifs à même d'offrir d'autres modèles de programmes télévisuels aux jeunes. « Les émissions de télé réalité, affirme t –il, créent des polémiques avant leur diffusion, mais ne prêtent plus qu'à rire peu de temps après. Cela montre bien que les frontières se déplacent en continu, que les limites évoluent et donc qu'il n' y en a pas ». Pour preuve, Laurens Drillich a pris la diffusion par la chaîne BNN, en 2006, du programme Over my Dead body. La télé néerlandaise a suivi huit mois durant cinq jeunes malades incurables de sorte à en exprimer en six volets leur univers de vie. Des séquences allant de discussion de café à celles du choix de cercueils dans un magasin de pompes funèbres. Son directeur défend ainsi son option de production et de programmation : « Faut-il cacher aux jeunes que la mort existe ? Un programme de ce genre peut les aider à prendre conscience de la valeur de la vie. Bien sûr, il y a un peu de voyeurisme, mais la télévision n'est pas meilleure que la société. Et on peut parler de manière acceptable de la mort. L'émission a d'ailleurs été nommée pour différents prix ». De son côté le philosophie Vincent Cespedes (auteur de I loft You, Ed. Mille et une nuits, 2001) ne tarit pas de mots pour critiquer le genre télé réalité vendue aux jeunes comme principal horizon de réel : « On y apprend à ne pas être solidaire, puisqu'il s'agit d'éliminer les autres, de se prostituer pour de la notoriété, ou de l'argent ».