Elles viennent directement de France pour revoir leur terre natale qu'elles ont quittée, il y a de cela plus de quarante ans. Elles sont revenues pour visiter leur ancien Blida, cette ville qui les a vu naître et grandir. Elles sont revenues pour revoir leur quartier, leur lycée, leurs camarades, leurs repères... Mais qu'elle nostalgie ! « Non, je ne me sens pas du tout dépaysée ; disons, simplement, curieuse de revoir certains lieux et certaines gens. » C'est la sentence de Anne Marie, la fille à Georget Bachelu, l'ex-président du Football club blidéen, le fameux FCB, rival de l'USMB. « C'était toute une époque, du père joueur au père dirigeant, et nous qui nagions dans cette ambiance. » La fille revient à Blida, la rue Saâdi, lieu d'habitation et de travail du père et la rencontre avec les voisins et l'émotion, somme toute facile à deviner. Larmes, cris même, yeux qui s'ouvrent et bouche un peu immobilisée sur un « ô ! » d'étonnement. Annie Monville, autre pied-noir qui a habité la rue Pelissier où le père, Gabriel, était transporteur, révélera que ses deux premiers enfants étaient nés en Algérie et qu'elle avait elle-même enseigné à l'école Tirman du centre-ville puis à Joinville (aujourd'hui Zabana), en 1963, avant de quitter le pays. Des rencontres fortuites avec d'anciens voisins, d'anciens joueurs de l'USMB et du FCB, des échanges de photos, puis l'inévitable visite au cimetière où l'entretien des tombes et des lieux se révélait irréprochable. Une virée du côté du lycée El Feth, endroit où les deux ex-jeunes lycéennes avaient fait leurs classes, leur aura permis de constater, avec quelques émotions, que les salles et certains coins ravivaient des souvenirs où les images s'embrouillaient et le vertige ramenant des larmes ne cessera qu'à la sortie. Venues avec leurs maris respectifs, les dames avaient révélé que les anciens de Blida se rencontraient souvent en France et que les échanges de visites et l'organisation de voyages étaient des perspectives dont la réalisation ne demande pas beaucoup d'efforts. Les deux dames ne cessaient point de questionner les jeunes filles et garçons au voisinage du lycée El Feth sur leur scolarité, le contenu des cours et s'intéressaient aux méthodes actuelles d'enseignement des mathématiques tout comme elles avaient émis l'idée d'une participation, toute symbolique, à la remise de prix à la fin de l'année, par les anciennes du lycée et que la bibliothèque de l'établissement pourrait être enrichie par des dons issus de collections personnelles. Aller au hammam était une virée plus que nécessaire, et voilà un atout de la ville de Blida que les responsables devraient prendre en charge. En parlant de ces derniers, il était quelque peu malheureux de constater — encore une fois —l'esprit retors de certains qui continuent à croire, au XXIe siècle, qu'il faudrait des autorisations pour permettre l'accès à des lieux publics, tel le lycée Ibn Rochd, fierté de tant d'Algériens et haut lieu de l'Histoire, du savoir et qui pourrait réserver un lieu musée à l'intérieur. Des associations d'anciens élèves de cet établissement existent en France et leur homologue algérienne n'a pas encore renouvelé son AG. Beaucoup de perspectives d'échanges entre les deux rives par la seule grâce des bancs et chaises scolaires, et où le terme « nostalgie » s'invite en roi.