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Mexico, caramba... !
Virée au Mexique, dans le pays de Emiliano Zapata
Publié dans El Watan le 29 - 10 - 2007

A l'atterrissage de l'avion à l'aéroport de Mexico capitale, ou Mexico DF (District Fédéral), comme l'appellent les Mexicains, vous êtes pris dans une spirale de mouvements d'une intensité extrême, due au trafic aérien évalué à quelque 986 rotations d'avions par jour en provenance du monde entier.
Mexique : Correspondance particulière
Mexico DF, qui abrite plus de 22 millions d'habitants, vous accueille du haut de ses 2500 m, soit une altitude qui vous donne l'impression d'avoir le sol qui s'échappe sous vos pieds ou plutôt le sentiment d'être constamment dans un ascenseur. Le décalage horaire de 7 heures a aussi un effet déstabilisant sur votre organisme. Pour arriver à l'hôtel, nous avons dû emprunter une partie de la Reforma, l'avenue principale de la capitale qui s'étale sur 42 km, inimaginable circulation sur huit voies qui vous donne le tournis. Nous sommes très loin des mini embouteillages… d'Alger. N'essayez surtout pas de penser au métro qui est d'ailleurs très beau, car les 5 millions d'usagers par jour ne vous permettront pas d'aller d'une station à une autre sans encombres. Etant dans le domaine du transport et en parlant chiffres, citons tout de même quelques statistiques de cette année qui, sûrement, vous aideront à situer le flux journalier des voyageurs urbains. Ainsi, le journal Ciudad rapporte dans sa livraison du 2 octobre que les déplacements motorisés à Mexico DF sont impressionnants, 11,9 millions de personnes empruntent quotidiennement les microbus, 1 million les taxis, entre tramway, métro, bus et autobus la moyenne s'élève à 1, 5 million de voyageurs. Sachez que ce gigantesque transport est assuré par 370 trains, 1824 autobus, 30 298 microbus et 365 000 taxis.
Les Mexicains ne sont pas des fainéants
L'image que l'on s'est toujours faite du Mexicain des films westerns, allongé à l'ombre sous son sombrero, est totalement démentie par la marée humaine qui s'adonne à des activités intenses. Ce n'est pas par hasard si le Mexique est membre de l'OCDE. Il est classé 12e puissance économique mondiale et il occupe la 11e place planétaire dans le commerce. Aussi, il est 2e producteur d'automobiles au monde. C'est dire que la carte de visite de ce territoire latino-américain est assez conséquente. Sa proximité avec la première puissance du monde, en l'occurrence les USA, fait de lui le 3e exportateur vers ce pays, soit 95% de la totalité des produits exportés du Mexique. S'agissant des exportations, les Mexicains sont fiers de vous dire qu'ils sont de l'ordre de 500 millions de dollars par jour. C'est un indice révélateur de la force de travail dans ce pays. Ce qui frappe le plus à Mexico DF, c'est le nombre extraordinaire de marchands ambulants. L'informel est partout, sur les grandes artères, dans les quartiers touristiques, dans les jardins mêmes, en plein milieu des rues et sur les trottoirs, obstruant les portes des magasins. Lors de notre séjour, nous avons assisté à des manifestations menées par ces marchands de l'informel qui réclamaient le droit d'occuper certains points stratégiques de la capitale. Bien sûr, la manipulation de l'opposition politique était derrière et c'est pour cette raison que des contingents de policiers antiémeutes les tenaient à distance du palais du gouvernement. Le Mexique est visiblement dans la bonne voie du développement économique et si on sait que son PIB per capita est de 6800 dollars, soit le double de celui de l'Algérie, nous ne ferons aucune illusion sur son devenir.
Des similitudes dans le comportement
Le Mexicain est très proche de l'Algérien par son comportement. Dès les premiers contacts, il vous refile une petite tape amicale dans le dos avec le coutumier « amigo », histoire de vous rappeler notre « ya kho ». Il n'est pas exclu qu'à la deuxième rencontre vous recevrez de sa part un cadeau, symbole de confiance et de sincérité. L'hospitalité est de rigueur chez lui, nul doute qu'il ne vous laissera pas payer la note, même quand vous l'invitez, il mettra la main à la poche pour vous remémorer que cela se passe chez lui. D'ailleurs, les Mexicains aiment les Algériens pour leur côté révolutionnaire et associent leur histoire combattante à la nôtre. Il sont aussi très conservateurs et ont une grande foi en leur religion. Cela se remarque dans l'avion, au décollage ou à l'atterrissage, tous les Mexicains font le signe de croix. Ils sont pieux et les églises ne désemplissent pas. Cependant, là où se note une frappante différence entre l'Algérien et le Mexicain, c'est que ce dernier, dès votre première rencontre, vous pose des questions sur votre civilisation et votre culture. Il est vrai que le Mexique a connu une très grande variété de civilisations auxquelles tous les citoyens s'attachent énormément et sont très imprégnés. C'est leur force identitaire. Fiers d'êtres des Chiapas, Aztèques ou autres, ils ne trouvent aucun complexe à déambuler dans les rues, vêtus de leurs habits traditionnels. Rares sont les Mexicains qui ne vous parlent pas ou ne vous emmènent pas à Teotiplan, le grand temple où les vestiges archéologiques vous renseignent sur la création de la capitale mexicaine. On vous conduira aussi à Teotihuacan, la ville des dieux où des pyramides vous laisseront découvrir la similitude avec les œuvres pharaoniques d'Egypte. Par ailleurs, et socialement parlant, le Mexicain est très proche de nous. Les valeurs humaines et familiales sont des éléments indissociables de sa vie quotidienne. Toutefois, malgré toute cette chaleur et cette convivialité, le jeune Mexicain est attiré par ce qu'il considère l'eldorado américain. Que de fois ils subissent les affres de cette clandestinité et vivent les mêmes problèmes que nos harraga. Mais partout ce problème de frontières et de passages clandestins est soulevé par tous les milieux. Il est devenu maintenant un problème national que le gouvernement et les ONG cherchent à résoudre. De ce point de vue et conformément à l'avancée du Mexique sur nous et à la similitude de nos objectifs tant économiques, industriels que sociaux, il serait judicieux de se pencher vers ce pays et tirer les résultats de son expérience. A ce propos, Amar Aïchabou, un Algérien résidant depuis 16 ans à Mexico DF et expert en métro et télécommunications nous dira : « Nos dirigeants politiques doivent se rapprocher de ce pays que je connais parfaitement et faire en sorte de renforcer nos accords. Nous avons une expérience et un modèle de développement qui nous seyent convenablement et qui nous sont offerts sur un plateau en or. Il ne restera qu'à corriger les erreurs et aller de l'avant ». Pour l'heure, les relations entre le Mexique et l'Algérie se limitent à 150 millions de dollars, englobant des échanges commerciaux se rapportant au gaz GPL, des composants médicamenteux, des légumes secs, spécialement des pois chiches, ainsi que des pièces de voitures. Côté culture, c'est la dèche et pourtant là aussi, il y a richesse à récolter. Seuls nos diplomates font des efforts parfois au détriment de leur bourse pour marquer la présence algérienne dans ce pays. Notre ambassadeur, Merzak Belhimer, ainsi que le premier secrétaire, Omar Gouigah, nous apprendront qu'une douzaine d'activités sont programmées chaque année. Cela va de la gastronomie, à la charge de Toufik, le cuisinier de l'ambassade, à la danse algérienne exécutée par des Mexicaines en tenue du bled, jusqu'aux séminaires et rencontres auxquels prennent part des universitaires et artistes invités par nos diplomates.
La communauté algérienne s'y plaît
Nombreux sont nos concitoyens et concitoyennes vivant au Mexique et le plus souvent à Mexico DF, ils sont une cinquantaine, dont une vingtaine de filles. Ils sont commerçants, restaurateurs, experts, universitaires, enseignants du secondaire, comptables ou employés d'entreprise. Le plus ancien des émigrés algériens, Amar, est un mozabite de Ghardaïa, il s'y trouve depuis les années cinquante, sa fille a été sacrée, il y a quelque temps, Miss Mexico. Rabah est à Mexico DF depuis 36 ans. Bachir, originaire de Tébessa, comptabilise 33 ans et est retraité actuellement. Hakim de Bologhine nous dira en ironisant qu'il est arrivé hier, c'est-à-dire voilà 20 ans. Azzedine le Harrachi, quant à lui, c'est un pur harraga, il a pris un bateau et s'est retrouvé au Chili, d'où il a été refoulé vers le Mexique, cela fait 12 ans. La liste est longue et chacun vous raconte son histoire, de quoi écrire des séries de livres. L'exil est difficile. Les jours de Ramadhan, ils se retrouvent à la mosquée pour la prière du maghreb et aussi pour déguster les bons plats qu'offrent les bonnes âmes de la communauté musulmane. La soirée se terminera au café Tostao où le propriétaire a saisi le dosage du bon café algérien, bien serré. Détrompez-vous, le lieu n'est plus mexicain, à distance, vous aurez l'impression d'être du côté de Bab El Oued ou d'El Harrach, tellement la discussion est bruyante où le geste et le rire ne manquent pas. Nous saurons que huit jeunes Algériens d'Alger, de Tizi Ouzou et d'El Eulma ont trouvé chaussure à leur pied à travers internet. Ils se sont mariés avec des Mexicaines et travaillent dans différents secteurs. Parfois, le bonheur est tellement grand que l'épouse se convertit à l'Islam et porte le voile. Elles sont huit dans ce cas. L'une d'elles, prénommée Safia, journaliste de profession, nous assura que c'est par conviction qu'elle s'est voilée et qu'elle est fortement respectée dans son travail par sa famille et dans la rue. Vraiment, on est loin des brimades européennes. L'émigration est aussi féminine, jeune et célibataire, Saliha d'El Biar, Talima de Tlemcen, Assia de Guelma et d'autres encore se disent heureuses de se retrouver dans ce pays, elles ne se sentent nullement dépaysées. Pour Talima, il lui manque seulement le kalb ellouz. Il est vrai que les débuts sont souvent difficiles, surtout quand on ne maîtrise pas la langue espagnole. Elles ne vous cacheront pas d'avoir vécu de vraies aventures, tout comme Saliha qui passa deux nuits sous un pont. Le départ vers l'inconnu et puis tout comme leurs concitoyens, elles rencontrent l'âme sœur, c'est le bonheur. Enfin, Hakim dira quelque chose pour résumer cette virée mexicaine : « Vous savez, le destin a été notre guide, nous ne nous plaignons pas et aussi nous n'avons pas amassé des fortunes, nous possédons tout juste ce qu'il faut pour vivre heureux ». C'est pour ainsi dire que le Mexique a son charme où le cœur trouve son attache et que la raison ne peut défaire.


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