L'Allemagne est prête à ouvrir son marché interne au pétrole et au gaz algériens », a déclaré Horst Köhler, président fédéral allemand, à trois représentants de journaux nationaux, lors d'une rencontre, lundi soir, à l'hôtel Sheraton, à l'ouest d'Alger. L'Allemagne, qui n'achète pas encore de gaz algérien, entend diversifier ses sources d'approvisionnement pour renforcer la sécurité énergétique. Hort Köhler l'a clairement dit. Actuellement, l'Allemagne achète plus de 30% de son gaz à la Russie. « Le pays ne veut pas être un simple acheteur de pétrole et de gaz », a précisé le président allemand qui termine aujourd'hui une visite de quatre jours en Algérie. Berlin entend s'orienter vers le gaz naturel liquéfié (GNL). D'où la signature, en 2006, d'un accord entre Sonatrach et Eon Rhurgaz sur le lancement d'opérations communes dans le secteur du GNL. Eon, qui vient d'acquérir l'espagnol Endesa, est désormais partie prenante dans le projet du gazoduc Medgaz qui va relier l'Algérie à l'Espagne. Eon et Basf, deux géants énergétiques, construisent également avec la Russie le GNE (gazoduc nord-européen). Depuis la crise de l'hiver 2005 entre l'Ukraine et la Russie, plusieurs pays européens, France et Allemagne en tête, ne veulent plus dépendre exclusivement du gaz russe. Le récent rapprochement entre l'algérien Sonatrach et le russe Gazprom a quelque peu suscité des inquiétudes en Europe puisque le vieux continent dépend principalement de la Russie, de la Norvège et de l'Algérie pour ses fournitures en gaz. Reste que l'Algérie est perçue par Berlin comme « un partenaire fiable ». « une confiance profonde » Horst Köhler a estimé qu'il faut étudier à l'avenir la faisabilité technique et économique de transporter l'énergie solaire algérienne vers l'Allemagne. Le solaire aura, selon lui, un rôle important dans la coopération entre les deux pays. Il a précisé que son pays « prend au sérieux » l'augmentation de la part des énergies vertes dans la consommation globale de l'énergie. L'objectif est d'atteindre 20% en 2020 (le taux actuel ne dépasse pas les 13%). Objectif partagé avec l'Union européenne qui veut réduire les émissions du CO2. « L'Algérie est un pays clé pour la stabilité du Maghreb », a souligné Horst Köhler. L'importance du pays est, selon lui, liée à la taille, « avec plus de 30 millions d'habitants », et à ses réserves en gaz et en pétrole. « La confiance entre l'Algérie et l'Allemagne est profonde. Elle puise dans de profondes racines. Elle est née de la sympathie de l'Allemagne pour la lutte pour l'indépendance de l'Algérie », a-t-il ajouté. Il a rappelé que durant les années 1990, « années difficiles », l'Allemagne est restée présente (l'ambassade n'a pas fermé ses portes). « L'Allemagne n'a jamais quitté l'Algérie. C'est un facteur de confiance et je voudrais continuer à construire sur cette base », a-t-il appuyé. « L'Algérie a un potentiel, mais je ne vois pas encore l'existence d'un processus permettant de mettre à profit celui-ci (...) J'ai l'impression que le passé est encore un obstacle qui empêche les possibilités de définir l'avenir », a observé le président allemand. Il est impératif, selon lui, que des projets soient engagés en faveur des jeunes pour qu'ils voient l'avenir avec confiance en Algérie. A charge aux politiques, à la société civile et aux intellectuels de réfléchir à des projets en faveur de cette catégorie de la population. « Les jeunes ne savent pas actuellement quelle pourrait être leur perspective d'avenir », a-t-il noté. L'Allemagne et l'Europe sont, selon lui, prêtes à accompagner l'Algérie sur « une voie difficile », celle de surmonter le traumatisme causé par la lutte pour la libération nationale et par les années du terrorisme. « Une fois ce traumatisme surmonté, l'énergie sera libérée pour que l'Algérie trouve sa voie vers la modernité et la démocratie », a-t-il relevé. La Méditerranée n'est, à ses yeux, pas un obstacle entre les deux pays. « Nous voyons l'Algérie comme un véritable voisin pas comme un pays éloigné », a-t-il appuyé. Son vœu est que l'Union européenne (UE) porte plus d'attention à l'Algérie aux fins de développer des projets et des politiques communs dans le cadre du processus de Barcelone dont le lancement remonte à 1995. Interrogé sur le projet du président français de créer une union méditerranéenne, Horst Köhler a déclaré ne pas connaître les détails de cette initiative. « Je ne sais pas comment le président français conçoit cette union méditerranéenne », a-t-il précisé avant d'ajouter : « J'ai appris l'existence de cette proposition par les journaux. Pour moi, il est important de continuer à construire sur des structures qui existent déjà comme le processus de Barcelone et donner de la substance à ce processus et dépasser la rhétorique politique. » Substance ? « Le terme immigration sélective est faux » Des politiques « plus ouvertes et plus généreuses » en matière d'investissements et de circulation de personnes. « On doit considérer les pays de la Méditerranée comme de vrais voisins et amis avec qui on envisage ensemble l'avenir », a-t-il souligné. Berlin soutient la Politique européenne de voisinage (PEV) qui se veut un complément du processus de Barcelone. Pour les observateurs, le projet français de l'union méditerranéenne est assimilé à un enterrement du processus de Barcelone et un affaiblissement de la PEV. L'Algérie s'accroche au processus de Barcelone, refuse la PEV et soutient le projet de Nicolas Sarkozy. Horst Köhler reconnaît qu'il existe en Allemagne un débat sur l'immigration. « Le débat est de savoir combien d'immigrants pouvons-nous intégrer dans nos pays ? », s'est-il interrogé. La philosophie du président allemand, ancien directeur général du FMI, est qu'il faut aider certaines personnes à revenir dans leurs pays, mais à condition d'aider ces pays à sortir du sous-développement à travers la mise en place de régimes commerciaux plus favorables et des industries de transformation qui génèrent de la croissance. « Le terme immigration sélective est faux. A mon avis, l'Allemagne doit être un pays ouvert mais qui ne doit pas être considéré comme une terre d'accueil pour l'immigration de pauvreté (...) Il y a plusieurs critères pour organiser le flux migratoire : parler la langue, respecter les lois... », a-t-il précisé. Horst Köhler apprécie le fait que le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (Nepad), dont l'Algérie est membre fondateur, ait identifié la lutte contre la corruption comme une tâche importante pour arriver à une bonne gouvernance. « La lutte contre la corruption ne concerne pas seulement les pays pauvres ou émergeants mais également les pays riches », a-t-il noté en annonçant que son pays prépare actuellement une loi anticorruption destinée, entre autres, aux entreprises allemandes qui activent à l'étranger et qui prévoient des dispositions pénales. Le Nepad est le signe, selon lui, que les leaders africains veulent emprunter une voie propre pour le continent.