L'opération de déséchouage du navire Batna, échoué aux Sablettes, à Alger, a débuté hier en début de journée. Malgré les quelques pluies, le temps devait s'éclaircir et faciliter ainsi le travail de la Protection civile, de l'armée, de la police et des pompiers. La marée est basse et le navire a quelque peu bougé. En fait, « il s'est enfoncé dans le sable, seules les extrémités sont dans l'eau. Cela risque de poser de sérieux problèmes », explique un maître-nageur de la Protection civile. Tout est en place : les zodiacs, les hommes grenouilles... Deux solutions se présentent à eux. Dans un premier temps, il est décidé de faire monter à bord du bateau le personnel indispensable pour faire redémarrer les moteurs, inspecter l'état général du navire et procéder aux réparations éventuelles. Si la procédure ne répond pas, il est envisagé d'amener un groupe électrogène branché à un câble qui traversera la mer jusqu'au navire pour booster les moteurs. Et enfin, si le navire ne démarre toujours pas, des remorqueurs devront le tirer vers le large. Expliqué de la sorte, le travail semble aisé et l'issue aléatoire. Sur place, les hommes s'activent dans une sorte de dynamique maîtrisée. Deux équipes de la Protection civile, cumulant une trentaine d'hommes, s'activent depuis plus de trente-six heures. Mais c'est sans relâche qu'ils tentent malgré les vagues houleuses de faire monter à bord des mécaniciens et des techniciens. Sur ce rivage où les badauds se posent le temps du spectacle, les rumeurs vont bon train. Un homme en uniforme certifiera que le jour de l'évacuation des 20 membres de l'équipage, on leur en avait annoncé 28. « Le commandant de bord n'était pas là, ni les techniciens. Etaient coincés sur le navire uniquement les matelots et les cuisiniers », affirme-t-on. Plus rien à faire POUR Le Béchar Cela sous-entend-il qu'en présence du commandant de bord, les choses se seraient déroulées autrement ? « Pour évacuer tout ce monde, nous avons mis un cordage et une poulie. Avec un arrimage de sécurité, un par un, les membres du Batna ont glissé sur une corde à 20 mètres au-dessus de l'eau pour poser en fin de parcours les pieds sur la terre ferme », raconte un élément de la Protection civile. Aujourd'hui, c'est en direction du bateau qu'ils tentent de faire monter des hommes. Le Béchar n'a pas bougé. Seules ses amarres témoignent de sa triste présence dans les parages de l'Amirauté. Deux zodiacs de l'armée sillonnent le large et supervisent les opérations. Des hommes-grenouilles de la Protection civile s'affairent aux alentours du bateau. Le travail est lourd et les blocs de béton entourant la jetée présentent un grave danger pour les plongeurs. « Si le Béchar a coulé, c'est certainement que sa coque a dû percuter un bloc de béton vu la force des rafales », indique-t-on en aparté. Sur les treize personnes disparues du navire, quatre ont été retrouvées. Une, semble-t-il, au niveau de Bologhine, une autre au large, en état de décomposition avancée, une autre au niveau des Sablettes, nue et donc non identifiable. Pour le dernier corps, aucune information n'a été divulguée. A l'Amirauté, les gardes militaires s'activent pour apporter l'aide nécessaire. « On préfère gâcher du matériel que de perdre des vies humaines », explique un gradé. Ils ont vu ces hommes mourir et ils n'ont rien pu faire. « On ne peut pas se battre contre les forces de la nature quand celles-ci se déchaînent », continue l'officier. Il n'y a plus rien à faire aux alentours du Béchar. Enfoncé dans une eau traîtresse, ses amarres s'étirent hors de l'eau comme un ultime appel. La plupart des corps ont été retrouvés à des kilomètres du navire, près du Batna. Près de celui qui n'a pas coulé. De retour aux Sablettes, le rassemblement de personnes sur le rivage indique la survenance d'un événement. Un corps vient d'être repéré. Et d'autres rumeurs circulent comme ravivées par ce corps inerte retrouvé prisonnier des rochers. « Le Béchar était à l'arrêt depuis 20 mois en attente d'une pièce pour être réparé à Béjaïa », palabre-t-on. Interrogé, un agent de la CNAN rectifiera : « Le navire était en rade depuis le 10 novembre dernier et devait faire l'objet d'une révision à Béjaïa pour obtenir son certificat le 25 de ce mois. » Et de fustiger : « J'ai téléphoné personnellement au Centre national des opérations de sauvetage (CNOS) le jour du naufrage. On m'a promis deux hélicoptères pour 18h. Ils ne sont jamais arrivés et je n'ai eu aucune explication. » Derrière lui, les hommes-grenouilles s'activent, les échelles du bateau dansent au gré du vent. Un déséchouage qui devra encore durer plusieurs jours.