L'ancien premier ministre pakistanais, celui-là même qui avait au moins aidé à la destitution de son prédécesseur Benazir Bhutto, avant d'être lui-même destitué par le coup d'Etat du général Pervez Musharraf, sort de l'ombre. Et pas seulement lui, puisque l'ancienne star pakistanaise de cricket, à la tête d'un petit parti d'opposition, a brièvement quitté hier la clandestinité pour participer à une manifestation de l'opposition à Lahore, juste avant d'être arrêté par la police. Il y a là comme une redistribution du jeu politique, puisque le premier nommé Nawaz Sharif répondait à un appel de Mme Benazir Bhutto pour participer à la « lutte contre la dictature » et contraindre le président Musharraf à la démission. Les Pakistanais ne sont pas seuls à s'activer puisque les Etats-Unis ont annoncé, mardi, la visite en fin de semaine au Pakistan du numéro deux du département d'Etat, John Negroponte, pour réitérer leur demande de levée de l'état d'urgence au président Musharraf. Le Secrétaire d'Etat adjoint, qui effectue actuellement une tournée en Afrique, se rendra à Islamabad à l'issue de cette tournée supposée s'achever demain. M. Negroponte, qui sera le plus haut responsable américain à se rendre au Pakistan depuis l'instauration de l'état d'urgence dans ce pays le 3 novembre, « devrait arriver à la fin de la semaine », a indiqué un porte-parole du Département d'Etat M. Casey. Le porte-parole n'a pas précisé la liste des personnalités pakistanaises que le responsable américain rencontrera à Islamabad, mais il n'a pas exclu qu'il s'agisse de personnes extérieures au gouvernement. M. Casey a cependant indiqué qu'il y avait peu de chances qu'il voie l'ex-Premier ministre du Pakistan Benazir Bhutto, de nouveau assignée à résidence par le président Pervez Musharraf, car elle se trouve à Lahore (est). M. Negroponte devrait transmettre à ses interlocuteurs le message exprimé par le président George W. Bush et la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, depuis l'instauration de l'état d'urgence au Pakistan. « Nous continuons à vouloir qu'il y ait des élections libres, justes et transparentes », a déclaré M. Casey. « Nous voulons que l'état d'urgence soit levé ». Mais l'administration américaine ne paraissait pas prête mardi, à obtenir beaucoup de concessions du général Musharraf, un allié-clé de Washington dans la lutte-antiterroriste. Alors que Mme Rice réitérait son appel au président pakistanais à lever l'état d'urgence « dès que possible », M. Musharraf l'a exclu. « Je ne suis pas du tout d'accord avec elle », a déclaré le président pakistanais, au New York Times. « L'état d'urgence est destiné à s'assurer que les élections se déroulent de façon ordonnée ». Dans une lettre ouverte à Mme Rice, une douzaine d'organisations américaines de défense des droits de l'homme ont néanmoins demandé à l'administration américaine de suspendre toute aide militaire américaine au Pakistan si les libertés n'étaient pas rétablies au Pakistan. Le Pakistan a reçu plus de dix milliards de dollars d'aides essentiellement militaires de la part des Etats-Unis, depuis le 11 septembre 2001. Mme Rice s'est prononcée contre la suspension de cette aide, craignant que cela laisse le champ libre aux talibans. Alors que les pressions s'accentuent sur le pouvoir pakistanais, le Parlement du Pakistan sera dissous cette nuit à la fin de son mandat et un gouvernement provisoire sera installé demain jusqu'aux élections législatives, que le président Pervez Musharraf a promises avant le 9 janvier, a annoncé hier le porte-parole du gouvernement. Il a encore ajouté que le nom du Premier ministre par intérim, qui remplacera l'actuel, Shaukat Aziz, sera chargé d'expédier les affaires courantes à la tête d'un gouvernement provisoire et sera annoncé aujourd'hui. « C'est un moment historique pour nous tous, parce que c'est la première fois en 22 ans que l'Assemblée nationale achève normalement un mandat », a-t-il commenté. Les assemblées des quatre provinces, qui doivent également être renouvelées au suffrage universel à la même date que le Parlement, seront dissoutes elles, le 20 novembre, a ajouté M. Azeem. Mais qu'en sera-t-il de la poursuite de ce processus qui risque d'être entravé ? Toute la question est là, surtout si l'opposition décide de boycotter les législatives de janvier prochain, si elles se tiennent bien entendu ?