Le président de la Commission nationale de protection des droits de l'homme (CNPDH) estime que le cas Hassan Hattab est « complexe » et doit être clarifié par la justice. Invité hier à l'émission de la Chaîne I « Fi El Ouadjiha », Farouk Ksentini, qui a tenu à préciser qu'il ignore la nature du deal engageant l'Etat et Hattab, considère toutefois que l'Etat se doit de respecter ses engagements envers cette personne. « La parole de l'Etat est sacrée, il faut qu'elle soit respectée », dira-t-il. Sous-entendant par là que s'il faut gracier ce chef terroriste « repenti », selon les dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, l'Etat doit le faire. Le président de la CNPDH poursuit son raisonnement en notant qu'il n'existe aucune anomalie dans le fait que l'ex-chef du GSPC soit entre les mains des services de sécurité et non pas ceux de la justice. « Il ne faut pas chercher à dépasser les événements, le rôle de la justice est clair, appliquer la loi, et celui de la police est d'enquêter, donc il n'y a pas de chevauchement entre les prérogatives. A mon avis, il faut laisser les services de sécurité continuer l'interrogatoire et les investigations, ensuite la justice prendra le relais pour enfin décider des mesures dont bénéficiera Hattab en prenant en ligne de compte le fait qu'il se soit rendu », souligne M. Ksentini. Ce dernier précise en outre qu'il n'est pas dit que le ministre de la Justice ne peut pas demander le dossier de Hassan Hattab, « il est même de son droit, voire de son devoir de demander aux services de sécurité son dossier tout en les laissant poursuivre leur travail », indiquera l'invité de la radio. Interrogé sur le dépassement des délais de détention préventive à l'encontre de l'ex-chef du GSPC, M. Ksentini, qui plaide pour un traitement d'étape par étape du dossier Hattab, estime qu'il ne s'agit pas de mesure extrajudiciaire. « Je n'ai pas suivi particulièrement ce dossier, mais je peux dire que le délai de détention en garde à vue peut être prolongé sur proposition du procureur de la République. » Et d'ajouter au sujet des 33 jugements par contumace prononcés contre Hattab par différents tribunaux, « puisqu'il s'agit de jugements par contumace, l'accusé est en droit de faire opposition et appel, le principe de présomption d'innocence accorde ce droit de répondre de ses actes ». Sur le chapitre de l'application de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, M. Ksentini affiche un satisfecit total. « La réconciliation nationale a réussi, elle a permis d'empêcher de nouveaux candidats de monter aux maquis », dira-t-il, en qualifiant les nouvelles manifestations terroristes de « terrorisme de deuxième génération », n'obéissant pas aux mêmes règles que celles du terrorisme vécu durant la décennie écoulée. M. Ksentini souligne, par ailleurs, qu'il a fait part au président de la République de l'appel des anciens détenus du Sud, un nombre oscillant entre 15 000 et 18 000 qui demandent à être indemnisés pour les deux années passées dans les camps de détention sans être jugés. « L'ONU a le droit de venir vérifier qu'il n'y a pas de prisons secrètes » Interrogé sur l'accusation faite à l'Algérie par la Commission des droits de l'homme des Nations unies sur l'existence de prisons secrètes, l'invité de la Chaîne I a affiché cette fois un niet catégorique et assure qu'« il existe une volonté politique réelle pour la promotion et le respect des droits de l'homme en Algérie ». M. Ksentini ira jusqu'à accuser d'ennemis de la nation tous ceux qui soutiennent l'existence de lieux de détention secrets. « J'ai personnellement adressé une lettre à cette commission, lui précisant que l'Algérie est un pays respectable. Ce qui a été dit sur l'Algérie est une diffamation et prouve que cette commission refuse de respecter ce pays. » A la question de savoir si les portes de l'Algérie seront ouvertes à toute demande de vérification de l'inexistence de lieux de détention cachés, M. Ksentini s'est dit tout à fait favorable « les membres de la commission seront les bienvenus, car l'Algérie n'a rien à cacher. Il nous suffira juste de leur demander des autorisations particulières de la part du ministère des Affaires étrangères ». Sur le chapitre des élections, et tout en affirmant que la démocratie a franchi des pas importants en Algérie grâce au multipartisme, M. Ksentini se dit désolé de l'absence d'une commission nationale de surveillance des élections « même si la loi n'oblige pas la création d'une telle instance, il se trouve que si sa présence apporte un plus à la démocratie, c'est bien dommage de la voir exclue du jeu électoral », dira-t-il. Ceci en notant que l'absence de cette commission ne conduit pas nécessairement à la fraude. « Je suis pour la peine de mort dans le cas d'homicide contre les enfants » Tout en se disant foncièrement contre la peine de mort, le président de la CNPDH estime que lorsqu'il s'agit de rapt suivi de meurtre d'enfants, comme pour le cas du petit Farid, la peine de mort peut être envisageable. « Déjà la loi les absout des mesures de réduction de la peine, mais lorsque l'on voit leur acte, cela me pousse à penser à l'application de la peine capitale », dira M. Ksentini. Ce dernier, qui dresse un bilan plutôt positif sur la situation des droits de l'homme en Algérie, souligne qu'il existe encore des insuffisances à rattraper, notamment en matière d'égalité entre l'homme et la femme, et de liberté de la presse. « Même si l'amendement du code de la famille a apporté un mieux, il faut toutefois arriver à consacrer une parfaite égalité entre les deux sexes », note l'invité de la radio. Et de souligner en outre qu'un journaliste ne doit plus être emprisonné ou arrêté pour ses idées « il ne peut être poursuivi pour ses écrits lorsqu'il ne s'agit pas de diffamation ou d'insultes ».