Nouveau rendez-vous aujourd'hui pour l'élection présidentielle au Liban, avec encore, un climat de très forte incertitude. La séance du Parlement libanais prévue mercredi a dû être reportée pour la quatrième fois à cause d'un blocage persistant. Les députés libanais chargés de cette opération disposent d'une marge de manœuvre extrêmement étroite, nulle pour ainsi dire. Car, et jusqu'à hier, aucun consensus ne s'est fait sur un candidat. Plus que cela, la fracture est double, au sein d'abord des chrétiens maronites qui assurent traditionnellement cette fonction et entre majorité et opposition. Au point d'ailleurs de mobiliser la communauté internationale. Le constat alarmant il est vrai, mais fondé, est venu du Secrétaire général des Nations unies qui a mis en garde vendredi le Liban de se retrouver « au bord de l'abîme ». M. Ban Kin-moon a précédé au Liban le secrétaire général de la Ligue arabe qui avait dû, quant à lui, dresser un constat d'échec de sa mission de médiation de l'été dernier. Et dans ce ballet diplomatique, l'on retrouve aussi des pays comme l'Italie, la France ou encore les Etats-Unis. C'est pourquoi, et peu avant la fin du délai pour l'élection d'un nouveau chef de l'Etat libanais, les scénarios se multiplient sur cette échéance menacée d'échec. Si la majorité parlementaire et l'opposition, qui mènent d'âpres négociations, parviennent à se mettre d'accord, les députés devraient se réunir au Parlement aujourd'hui pour élire le président. Une liste de candidats a été soumise par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir, chef de l'Eglise la plus puissante du Liban — dont est issu le président — et figure incontournable dans les tractations, pour favoriser une entente. La majorité parlementaire dispose de 68 députés sur 127 sièges depuis l'assassinat le 19 septembre du député Antoine Ghanem. Selon l'article 49 de la Constitution, les députés élisent le président à la majorité des deux-tiers au premier tour et à la majorité simple ensuite si nécessaire. Ce qui a l'air d'être simple, mais c'est du contraire qu'il s'agit. Il y a en effet, une forte controverse sur ces rendez-vous manqués pour les uns, mais différés pour d'autres. Il s'agit respectivement de la majorité parlementaire et de l'opposition. La première considère qu'il est de son droit d'élire un président à la majorité simple, ce que mathématiquement elle peut faire, mais elle souhaiterait un consensus. « S'il n'y a pas de consensus, on se dirige vers une élection à la majorité simple, qui est tout à fait légale », déclare un député de la majorité, Fouad Saâd. Dans ce cas, la majorité va probablement élire le président dans un endroit autre que le siège du Parlement. Les choix sont multiples : l'hôtel de luxe Phoenicia, où est cantonné actuellement une quarantaine de députés de la majorité par peur d'être assassinés, le palais de Beiteddine, résidence d'été du président, située dans la montagne du Chouf (sud-est de Beyrouth). Certains parlent même d'une élection à l'étranger. L'opposition met en garde d'ores et déjà contre une telle élection, estimant qu'un président non consensuel sera « illégitime » et un « usurpateur ». Si l'élection n'a pas lieu, deux scénarios sont envisagés. La première possibilité est que le gouvernement de Fouad Siniora exerce les prérogatives du président de la République, conformément à la Constitution. La deuxième, souvent évoquée par l'opposition, est que le président sortant, Emile Lahoud, forme un gouvernement parallèle qui organiserait des législatives anticipées ainsi que la présidentielle. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah avait, rappelle-t-on, appelé M. Lahoud à prendre « une mesure de salut national » avant la fin de son mandat, en allusion à cette perspective. M. Lahoud a averti de son côté qu'il nommerait le chef de l'armée à la tête d'un gouvernement provisoire s'il n'y avait pas de consensus. Un autre pilier de l'opposition, le chrétien Michel Aoun, a également estimé que « notre seule option désormais est la formation d'un gouvernement provisoire de salut national ». L'existence de deux gouvernements parallèles renverrait à une situation identique à celle des dernières années de la guerre civile (1975-1990). Cette éventualité suscite la crainte d'une division profonde du pays, qui pourrait sombrer dans le chaos. Et surtout, que Michel Aoun chrétien maronite, candidat déclaré et allié du Hezbollah, a décidé de brouiller les cartes, il semble difficile aux chrétiens de proposer un candidat qui fasse consensus. Le problème est donc double. Comment sera donc résolue cette double équation ? Les plus optimistes diront que les Libanais ont connu une situation plus complexe et ceux qui le sont moins, écartent le risque d'une nouvelle guerre dans un pays où les alliances sont éphémères.