Impatience mélangée à l'inquiétude, j'ai donc fait partie des quelques journalistes, comédiens et hommes d'affaires chanceux (nous étions trois journalistes algériens) qui ont eu l'occasion de prendre le volant d'une Formule 1 de l'écurie ING Renault Team. Entrant dans le cadre du programme « Feel it » (sentez-le), les séances de pilotage se sont déroulées au circuit Paul Ricard High Tech Test Track, le circuit le plus moderne d'Europe en cette journée mémorable du 20 novembre. Après une nuit au luxueux hôtel Castelet, un réveil à 6h30 et un petit déjeuner rapide, nous voilà transportés vers le circuit. A peine arrivés, des moteurs aux sonorités rauques commencent à chauffer. La tension monte parmi les quatre groupes. Nous sommes équipés de la tête aux pieds aux couleurs de Renault F1 Team : combinaison, chaussures, casque, cagoule, gants, tee-shirt et casquette. L'objectif de la journée est simple : nous faire vivre, le temps d'une journée, la vie d'un pilote de F1. Tarik Aït Saïd, responsable du programme « Feel it », explique qu'il faut oublier, le temps d'une journée, les mauvaises habitudes de conduire tous les jours : « Piloter une F1 n'a rien à voir avec la conduite de tous les jours. Vous allez piloter un missile avec des roues et même si vous êtes un très bon conducteur, il vous faut repartir d'une feuille blanche pour passer une excellente journée et éviter les têtes à queue ! » Après les recommandations d'usage concernant la sécurité sur le circuit, nous voilà accueillis par une équipe de physiothérapeutes professionnels. Une boisson énergétique, une prise de tension, et une préparation physique du corps pour l'ensemble des pilotes. « Piloter une formule 1 requiert des capacités physiques exceptionnelles. En sus d'une grande concentration, le corps subit de véritables agressions à chaque accélération, virage ou freinage », expliquent les physiothérapeutes. L'impatience de découvrir « en live » ces sensations commence à se faire sentir. Montée en puissance Les choses se précisent, nous approchons des stands où plus d'une trentaine entre ingénieurs et mécaniciens (ils sont 50 et 7 semi-remorques lors d'un grand prix) s'affairent sur les bolides. Nous démarrons cette journée au volant d'une formule Renault RS 2.0 de 185 chevaux. Châssis en carbone et boîte de vitesses séquentielle à six rapports, le poids de ce bolide avoisine les 450 kg. Après une reconnaissance du circuit long de 3.847 m, derrière une Mégane RS, nous voici seuls, livrés à nous-mêmes. La prise en main est assez rapide, et l'on se prend vite au jeu tant les accélérations et les freinages sont puissants. Conscient que ces tours n'ont pour but que de nous préparer à la prise en main de la F1, nous suivons scrupuleusement les consignes des instructeurs en travaillant freinages et trajectoires. Cela n'empêche pas la Renault F2 de faire une tête à queue. « Pour apprendre à aller vite, il faut avant tout savoir freiner », nous apprend cet instructeur avant d'ajouter qu'il faut freiner « le plus tard possible pour gérer au mieux le transfert de masses ». En effet, le freinage pour les véhicules de Formule 1, explique-t-il, est dégressif à chaque virage où une forte pression est exercée sur la pédale du frein. Le pilote doit ensuite relâcher cette pédale au fur et à mesure de l'entrée dans le virage. Cette technique, contrairement à celle du freinage progressif que nous utilisons sur nos véhicules de tous les jours, permet, selon les spécialistes, de maîtriser totalement la trajectoire et le transfert de masses. Embarqué à bord d'une Mégane RS, le pilote professionnel se lance à une vitesse vertigineuse effectuant quelques « tours » à chaque virage. Impressionnante manière de conduire et maîtrise du véhicule. Nous sommes invités, par la suite, à une séance de débriefing aux côtés des ingénieurs du Renault F1 Team. Cela permet, nous apprennent-ils, d'analyser précisément les informations rapportées en temps réel par la télémétrie. Un logiciel qui mesure toutes les données du véhicule, les virages, le freinage et les accélérations. Des résultats de chaque étape nous ont été remis. Après le repas, nous prenons conscience de l'expérience que nous sommes en train de vivre : piloter une formule 1 de chez Renault Team. Un V8 de 650 chevaux pour un poids total de 515 kg ! Le pilote instructeur nous explique alors qu'il n'est pas rare de voir des têtes à queue même à un très bas régime du moteur chez un pilote de formule 1 ! « Faites-vous plaisir. Peut-être que vous n'aurez jamais une autre occasion de piloter une formule 1, alors respectez les consignes et n'allez pas trop vite. Profitez de ce circuit et de ce bolide et régalez-vous. » Le moment de vérité Le grand moment arrive, j'enfile mon casque, les mécaniciens règlent la position de conduite et me rappellent brièvement quelques consignes de sécurité. Avant de « décoller », j'arrive à lancer les premiers tours de roues avec une forte montée en régime et un relâchement très progressif de l'embrayage afin de le faire patiner (comme un démarrage en côte). La F1 commence alors à se mouvoir doucement. Ravi de conduire une F1 équipée d'une boîte séquentielle au volant, une très forte sensation de piloter un véritable engin très puissant se dégage. Le premier virage est l'occasion de ressentir les réactions du bolide qui s'avèrent très saines. Après un enchaînement de virages serrés à une vitesse tantôt supérieure tantôt à un régime normal, la grande ligne droite se profile à l'horizon. C'est l'occasion ou jamais, me suis-je dit, d'enchaîner les rapports et d'atteindre une vitesse vertigineuse : 180km/h en quelques secondes sur une distance de moins de 800m. Wouaouh ! Entrée dans la grande courbe, freinage puissant, rétrogradage, puis remise des gaz. J'applique tant bien que mal les consignes des ingénieurs mais chaque accélération vous colle au siège avant d'être projeté en avant par un freinage dont le mordant et l'endurance ne déméritent jamais. Après deux tours de circuit, retour au stand. « Ce n'est pas un Mirage 2000 que j'ai piloté mais un Mirage 4000 », avais-je lancé à l'adresse du cameraman de Renault Team. En sortant du cockpit de la F1, j'enchaîne directement en passager sur une Formule 1 biplace, pilotée pour l'occasion par un vrai pilote, Jonhatan Cochet. Une expérience irrésistible. Le pilote enchaîne les virages à une vitesse vertigineuse, à tel point que cela en devient presque insupportable sur le plan physique. « En monoplace, affirment les pilotes professionnels, pour passer certaines courbes dans de bonnes conditions, il faut les passer vite, car sans vitesse, il n'y a pas d'appui aérodynamique. » Une bonne leçon à retenir. En tout état de cause, cette journée restera, à coup sûr, inoubliable. Une chose est sûre : l'expertise et le professionnalisme de l'équipe Renault F1Team ne laissent aucun doute. Grand bravo et merci.