Samir Boubekeur n'est ni juriste ni administratif ou littéraire. Sa formation d'ingénieur en électronique et son passé d'enseignant à l'université dans une spécialité directement liée aux enseignements technique et technologique le mettent à l'aise pour parler de le restructuration en cours. Plusieurs griefs sont portés à l'encontre du MEN et notamment la non-participation des enseignants au processus de réforme concernant le segment de l'enseignement technique. Avez-vous pris cette décision de façon unilatérale ? Nous n'avons pas agi en solo. C'est la Commission nationale de réforme du système éducatif qui a recommandé d'assigner à l'enseignement secondaire une vocation pré-universitaire. Laquelle recommandation a été avalisée par le Conseil des ministres en date du 30 avril 2002. Nous n'avons fait que la matérialiser en opérant une restructuration du cycle secondaire devenue incontournable. Cela signifie que les élèves qui suivent un cursus dans ce cycle ont pour objectif d'accéder aux études universitaires. Quant à la préparation à un métier, elle se réalise dans l'enseignement professionnel. Certaines voix s'élèvent pour dénoncer un cadeau fait aux investisseurs étrangers qui trouveront en Algérie une main-d'œuvre bon marché, car mal formée, et ce à cause du démantèlement de l'enseignement technique. N'y-a-t-il pas risque de sous-qualification avec la suppression des filières du technique ? Je tiens à corriger votre introduction. Les filières de l'actuel Enseignement technique ne sont pas une base préalable dans la formation des ingénieurs algériens. Pour preuve, les bacheliers des séries techniques n'ouvrent droit qu'à 27% des possibilités offertes par l'université et seulement en cycle court contre 100% pour les bacheliers de l'enseignement général (SNV et Sciences Exactes). En réalité, dans l'ancien système, la grande majorité des bacheliers de l'enseignement technique était orientée vers les cycles courts (DEUA), lesquels sont dorénavant supprimés avec l'adoption du système LMD. Nous avons des statistiques récentes qui montrent que ces bacheliers peinent à suivre les études universitaires. Il ne nous est plus possible de continuer dans cette voie. Ainsi, nous planifions la généralisation des filières techniques Mathématiques, véritables rampes de lancement vers les études d'ingéniorat. Qu'avez-vous à répondre aux craintes légitimes exprimées par les enseignants de l'Enseignement technique ? Ils sont préoccupés par la baisse des effectifs-élèves. Ils ont peur pour leur emploi … Oui, en effet, il y a une phase transitoire née de la restructuration du cycle primaire (5 ans au lieu de 6) et du cycle moyen (4 ans au lieu de 3). Elle a vu les effectifs globaux baisser lors du passage vers la deuxième année secondaire (de l'ordre de 40% pour 2007/2008). Quant aux effectifs du Technique, eux, ils se maintiennent à un taux constant de 12% du total des élèves du cycle secondaire. Ce taux est resté le même depuis l'année 2001/2002. Lors de cette rentrée 2007/2008, sur l'ensemble des enseignants du Technique que compte notre pays (ils sont au nombre de 5082), seuls 85 d'entre eux (1,67% de la totalité) assurent des tâches autres que celles liées à leur spécialité. 404 enseignants assurent un enseignement d'initiation en informatique et 123 sont affectés à des enseignements proches de leurs spécialités d'origine. Quant aux 4470 restants – pas moins de 87% des enseignants de l'Enseignement technique – ils encadrent tous une discipline scolaire directement liée à leur spécialité. Comptez-vous en rester au même stade d'affectation ou est-ce là aussi une situation provisoire ? Dès l'entame de la restructuration en 2005, nous avons rassuré les enseignants. Le ministre lui-même est monté au créneau pour dire que pas un seul poste ne sera supprimé. Il y a eu certes des affectations sur d'autres postes mais elles sont provisoires. D'ailleurs, pour l'année scolaire 2009/2010, notre ministère aura besoin de recruter des enseignants. Les effectifs élèves vont augmenter dès la prochaine rentrée, d'autres même que la filière Techniques Mathématiques se verra généralisée progressivement sur l'ensemble du pays. Une autre question liée à la pratique pédagogique et au contenu des programmes. La suppression des fameux travaux pratiques ne va-t-elle pas affaiblir le profil de l'élève du Technique ? Dans l'ancien système, les TP étaient incontournables vu que les élèves du Technique se destinaient à exercer un métier. Ce n'est plus le cas : l'enseignement secondaire technique ne fait plus dans la spécialisation précoce à un métier. C'est une prérogative qui relève de l'Enseignement professionnel. Le régime d'études (programmes, horaires, disciplines) du nouveau système a pour objectif – notamment avec la généralisation de la filière TM – de doter le bachelier des bases intellectuelles à même de l'outiller à poursuivre des études universitaires de longue durée (Ingéniorat). Grâce à cette formation initiale, il sera capable d'accéder à n'importe quelle spécialité dans les Sciences de l'Ingéniorat. Et pas seulement dans son option suivie au lycée. C'est dire l'avantage que tireront les élèves orientés vers le secondaire technologique.