Après la furie des eaux qui a littéralement dévasté le 10 novembre 2001 Bab El Oued, je me suis dit que la leçon allait être retenue en matière de prévoyance de risques pour éviter une catastrophe, du moins atténuer le mal. Les dernières intempéries qui ont soufflé sur Alger et le bourbier dû aux tonnes de terre charriées à partir des versants de la capitale nous donnent l'occasion, une nouvelle fois, de revoir notre copie de gestion urbaine. Il est aisé de faire porter le chapeau au fatalisme, de responsabiliser le grondement de Dame Nature et de prêter le flanc uniquement au « mektoub ». « Attelle ta bête et remets-toi à la volonté de Dieu », disait à juste titre le prophète Mohamed (Qsssl) à un de ses compagnons. Il est vrai que les travaux du dédoublement du collecteur de Oued M'kacel sont en cours ; ceux-là mêmes qui drainent les eaux pluviales des oueds afflu vers la mer. Alors que j'étais pris en otage, dimanche dernier, à hauteur de la Basetta, par les crues déchaînées qui dévalaient de l'ex-carrière Jobert, le long du boulevard Said Touati, je m'interrogeais, ingénument : « D'où peut venir tout cet immense courant de gadoue qui déferlait d'amont en aval sur toutes les rues et ruelles ? » A ma naïveté, un écologiste à mes côtés me rendit à l'évidence en me lançant tout de go : « Faute d'opération de gabionnage servant de protection des terrains en cascade et surtout, le déboisement, le résultat ne peut être que fâcheux. » Tout aussi simplet, je bredouillais à mon compagnon que si la rigueur de la météo a son mot à dire, la main de l'homme n'est pas irresponsable… Je ne pouvais aussi faire l'impasse sur l'engourdissement d'une puissance publique qui s'entête à fermer l'œil sur l'occupation de sol des lits d'oued dans la wilaya d'Alger. Combien de familles y érigent des gourbis dans ces cours d'eau asséchés, oubliant qu'un oued tari peut reprendre son droit à tout moment avant de les traîner hors du temps et de l'espace ? Un ingénieur de génie civil, exerçant au sein d'une subdivision de l'hydraulique, sort de ses gonds en voyant le torrent. Le cadre me confie, dans la foulée, qu'au long des oueds Zghara, Beauséjour, Sidi El Kebir, les Oiseaux (La Vigie) et oued des Deux-Moulins, pour ne citer que ceux-là, la menace qui pèse sur les « indus locataires » est permanente. Mais on laisse le temps faire son œuvre. On fait dans l'imprévoyance en attendant, comme de coutume, une autre déferlante dans la cité pour réagir.