Une nouvelle catastrophe, de nouveaux sinistrés. Se comptant souvent parmi les plus vulnérables, ces derniers appellent à l'aide et crient leur colère. Sur les hauteurs de Bab El- Oued, un torrent d'origine inexpliquée menace d'emporter des dizaines de familles tandis qu'à Bordj El-Kiffan, des sinistrés qui occupent une école primaire depuis plusieurs jours, risquaient, ce matin, d'en être évacués par la force publique. Samedi après-midi. Les principales artères commerçantes de la capitale grouillent de monde. Après s'être terrés pendant plus d'une semaine, les Algérois reprennent leurs habitudes, encouragés par le beau temps qui semble vouloir s'installer durablement. Jeunes et moins jeunes pressent le pas pour rentrer ou s'attardent devant les vitrines. Sur les murs, les affiches électorales qui ont résisté «aux griffes» des saboteurs sont toujours visibles. C'est bientôt l'heure de pointe et les sempiternels embouteillages reprennent vite leurs droits. Difficile de croire que cette ville venait de sortir d'un week-end d'enfer, de déluge. Pourtant, Alger a vécu le pire. Il a plu énormément. En quelques jours seulement, la région a reçu autant de pluie qu'elle en recevait d'habitude en plusieurs mois. Durant la seule journée de jeudi, les services compétents en ont annoncé 150 mm. «Les stigmates du déluge, il faut les chercher ailleurs», nous dit-on. Précisément dans la périphérie de la capitale. Le centre d'Alger s'en est, en effet, bien tiré si l'on excepte ce vieil immeuble de la rue de Tanger qui n'a pas résisté aux infiltrations d'eau et s'est effondré dans la nuit de vendredi à samedi emportant deux jeunes employés d'un restaurant. Les traces de l'effondrement sont encore visibles. Les services de la municipalité ont à peine entamé les travaux de déblaiement. «Une catastrophe vient d'être évitée. Je me demande bien ce qui se serait passé ici si les autorités n'avaient pas évacué les familles habitant l'immeuble», s'interroge un riverain. L'APC a procédé au relogement des habitants il y a quelques mois et il ne restait qu'un restaurant et un autre commerce au rez-de-chaussée en activité. L'effondrement a fait au total 2 morts et 4 blessés, tous ayant passé la nuit sur les lieux. La première victime est décédée sur le coup et une autre a succombé dans la journée d'hier à l'hôpital. Hormis cet incident qui a mis en émoi toute la population des rues avoisinantes, les quelques infiltrations dans quelques vieux immeubles et des affaissements sans grandes conséquences, Alger-Centre n'a pas enregistré de dégâts qui méritent d'être signalés. La leçon des inondations de Bab El-Oued en 2001 semble avoir été bien apprise par les pouvoirs publics, puisque les avaloirs et autres conduites d'évacuation d'eaux de pluie ont bien fonctionné. «Sans cela, la catastrophe aurait été pire que celle de Bab El-Oued puisqu'il paraît que la quantité de pluie tombée est bien supérieure à celle de novembre 2001», affirme un sexagénaire rencontré à la même rue de Tanger. De la virée effectuée dans quelques quartiers de la périphérie de la ville, il ressort que ceux qui ont le plus pâti de ces intempéries sont les plus vulnérables. Précisément les sinistrés de précédentes catastrophes naturelles (inondations de Bab El-Oued, séisme de Boumerdès…) et que les autorités ont «omis» de recaser à temps. Que ce soit à Bordj El-Kiffan, Aïn Benian sur les hauteurs de Bab El-Oued ou dans ces nombrables bidonvilles qui ceinturent la «Blanche» Alger, des laissés-pour-compte, des éternels sinistrés crient leur colère, leur désespoir et leur impuissance, les pieds dans l'eau. Au moment où des maires fraîchement élus savourent tranquillement une victoire acquise «de haute lutte»…