Nicolas Sarkozy, président français, sera, à partir d'aujourd'hui, en Algérie pour signer des contrats. Viendra-t-il pour autre chose ? Interrogé par les télévisions françaises, en plein cœur de la polémique suscitée par les déclarations de Mohamed Cherif Abbas, ministre algérien des Moudjahidine, sur les origines juives du président français, M. Sarkozy avait précisé qu'il allait en Algérie pour « ramener des contrats ». Cela a le mérite de la clarté. Depuis son arrivée au palais de l'Elysée, en mai 2007, l'homme tente de donner un nouvel élan à la diplomatie des affaires. Il veut surtout faire « mieux » que son prédécesseur, Jacques Chirac. « L'immobilisme, le conservatisme, ce ne sont pas mon projet. Ce n'est pas mon tempérament », avait-il déclaré devant les membres du conseil économique et social. Chirac et Sarkozy partagent la même famille politique, la droite. Ils ont presque les même réflexes : à chaque déplacement, ils prennent dans leurs bagages des chefs d'entreprise, des personnalités des réseaux influents d'affaires... En Chine, dernier pays visité par Sarkozy, le partenariat « gagnant gagnant » a pris le dessus sur les questions des droits humains. Rama Yade, secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, n'a pas accompagné le chef d'Etat français en Chine. Pour être sûr de décrocher des marchés, il fallait bien évacuer les questions qui fâchent. Résultat : Sarkozy est revenu les mains remplies avec l'équivalent de 20 milliards d'euros de contrats : vente de 160 appareils Airbus et deux réacteurs nucléaires EPR (seule la Finlande a acheté ce type de réacteur de troisième génération, sûr mais cher). Aussi, « la complaisance » qui était attribuée à Jacques Chirac est reconduite d'une manière franche par M. Sarkozy. Paris récupère à son profit « le froid » existant entre Bonn et Pékin actuellement. Reste que la France diplomatique, qui s'intéresse de près à la crise du Darfour, critique l'engagement chinois aux côtés du gouvernement soudanais et exprime une certaine peur quant à la présence de plus en plus forte du géant asiatique en Afrique. Continent où la France perd des positions hier stables. En octobre dernier, M. Sarkozy n'avait pas caché sa déception après une visite en Russie, pour la simple raison que son voyage était maigre en contrats. M. Sarkozy aurait aimé « placer » des entreprises françaises dans le géant gazier, Gazprom. Le refus de Moscou était raffiné : « Les entreprises françaises peuvent travailler en Russie. » Depuis la fameuse crise de l'hiver ukrainien, celle des menaces russes de couper la fourniture en gaz, l'Europe craint pour sa sécurité énergétique. Mais, dans cette affaire, il y a également du chacun pour soi. Et comme l'Algérie est le troisième fournisseur de l'Europe en gaz, après la Russie et la Norvège, la France entend aussi s'assurer sur ses approvisionnements et à long terme. D'où la signature, à la faveur de l'actuelle visite de M. Sarkozy, à Alger, d'un gros contrat relatif à la fourniture du gaz qui s'étale jusqu'à 2019. C'est probablement le point essentiel de la venue du chef d'Etat français en Algérie, perçue comme « un pays-clé ». Dans une interview accordée hier à l'agence officielle APS, M. Sarkozy a parlé « d'interdépendance énergétique » entre l'Algérie et la France. Même si l'Algérie n'a aucune « dépendance » en matière d'énergie et que ses marchés extérieurs sont diversifiés, la France entend bien prendre une place plus grande à travers des investissements. « La France est devenue le premier investisseur hors hydrocarbures en Algérie et elle pourrait même devenir très bientôt le premier tous secteurs confondus grâce aux projets de nos grandes compagnies. Ainsi, Gaz de France va investir un milliard de dollars sur le gisement de Touat et Total un milliard et demi de dollars à Arzew », a annoncé le président français à l'APS. La France veut donc concurrencer directement les investisseurs arabes, particulièrement émiratis, égyptiens et saoudiens, chinois, indiens, américains et sud-coréens. Dans certains secteurs, elle arrive en retard. Il demeure que « le donnant donnant » français en matière d'énergie n'est pas évident puisque M. Sarkozy a évoqué « la coopération nucléaire » en échange de la vente de gaz. A priori, les Algériens ne sont pas — du moins pour l'instant — prêts à se lancer dans le développement de l'énergie nucléaire à grande échelle. Il est vrai que le dossier des énergies renouvelables est ouvert, des propositions sont déjà faites par l'Allemagne, à titre d'exemple, mais il n'y a pas encore d'engouement. L'aisance qu'offre le pétrole et le gaz explique cette situation. Interrogé sur la préférence française pour la vente et l'achat dans sa coopération avec l'Algérie, M. Sarkozy a eu cette réponse dans l'interview à l'APS : « Il ne faut pas mépriser le commerce, car le commerce ce sont des emplois dans les deux pays. »