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Affaire des deux quintaux de kif saisis à Maghnia
L'ex-divisionnaire de Tlemcen crie au complot
Publié dans El Watan le 04 - 12 - 2007

Après plus d'une année d'instruction, l'affaire de l'ex- divisionnaire de Tlemcen, M. Snouci, accusé de trafic de drogue, vient d'être renvoyée devant la chambre d'accusation près la cour de Tlemcen.
Sa famille et ses avocats dénoncent « les violations de la procédure » alors que l'ex-divisionnaire crie à partir de sa cellule « au complot ». Cette affaire a éclaté en novembre 2005 lorsque les policiers de la sûreté de la daïra de Maghnia ont saisi 2,6 quintaux de kif dans le véhicule d'un des riches de cette ville frontalière. La direction régionale de lutte contre les stupéfiants, un service en conflit permanent avec l'ex-divisionnaire, mène pour sa part une enquête parallèle. Une semaine plus tard, l'ex-chef de sûreté de wilaya est relevé de son poste. Quelques mois après, 28 personnes sont arrêtées et présentées au parquet qui en placera 12 sous mandat de dépôt parmi lesquelles l'ex-divisionnaire de Tlemcen et quatre officiers et agents de police. Quatre autres mis en cause issus de la même famille sont en fuite. L'arrestation de l'ex-divisionnaire et son incarcération à la prison de Remchi, dans la circonscription même où il exerçait, a fait tache d'huile. Pour ses avocats, Mohamed Snouci, de par son statut d'ancien chef de la sûreté de wilaya de Tlemcen, bénéficie du privilège de juridiction, comme le stipule l'article 776 du code de procédure pénale. « Il aurait fallu le poursuivre et le mettre en détention provisoire ailleurs que dans sa juridiction », déclarent-ils. Mieux, « la seule preuve présentée dans le dossier est un numéro de téléphone trouvé dans son agenda et appartenant à un dealer. Une relation professionnelle que l'officier a toujours reconnue et expliquée dans un rapport adressé à sa hiérarchie ». L'autre anomalie que la défense a relevée concerne l'inculpation de l'officier par le juge d'instruction. L'ex-chef de la sûreté de wilaya a été convoqué une première fois en tant que témoin, le 25 décembre 2006, soit une année après, pour donner son opinion sur le réseau. Il est par la suite convoqué une seconde fois, le 19 juin 2007, sans aucune qualification (ni témoin, ni victime, ni prévenu). « Une fois dans le bureau du juge, ce dernier a fermé la porte à clef et lui a notifié qu'il est inculpé sans lui laisser le temps de constituer un avocat malgré son insistance. Le magistrat instructeur a refusé tous les recours et contre-expertise déposés par la défense, ce qui est en soit une violation de l'article 68 du code de procédure pénale qui stipule que le juge doit procéder, conformément à la loi, à tous les actes d'information à charge et à décharge, qu'il juge utile à la manifestation de la vérité. » Pour sa part, l'ex-chef de la sûreté de wilaya et à partir de sa cellule, crie au « complot » et explique qu'il fait l'objet « d'un règlement de comptes ». Dans une longue lettre, dont une copie nous a été remise, il revient sur les « vrais motifs » de sa relève de son poste et les circonstances de son arrestation. Il révèle qu'en juillet 2002, il avait été muté à Tlemcen avec pour mission de redresser la situation, « une situation sécuritaire devenue clairement alarmante et de trouver une solution adéquate au problème de la contrebande du carburant (quoique cette dernière mission ne relève pas des services de police) », dit-il. « Dès les premiers jours, je me suis attelé à ma nouvelle tâche en dépensant tout ce que j'avais comme énergie. J'ai trouvé en la personne du wali de l'époque, Bensebbane Zoubir, toute l'aide nécessaire pour l'accomplissement de mon devoir. Un travail de fond entamé avec mes collaborateurs a nécessité une préparation de trois mois avec l'aide de la direction des mines et du ministère de l'Energie ainsi qu'un suivi permanent du directeur général de la Sûreté nationale en personne. » L'ex-chef de la sûreté de wilaya ajoute qu'à la veille du mois de Ramadhan, en novembre 2002, une grande opération ayant mobilisé « plus de 1000 hommes » a été déclenchée et a touché « les gros bonnets » de la contrebande sur le tracé frontalier. « En fait, ce sont les intérêts de la mafia qui ont été touchés de plein fouet. La réaction n'a pas tardé. Avec l'aide de responsables véreux, cette mafia a soulevé la population des villages de Souani et Sidi Boudjenane, les plus touchés par la contrebande et qui ont connu les émeutes les plus violentes. » Les résultats étaient probants avec la saisie d'importants lots de produits et la démolition de dépôts clandestins de carburants qui ont eu des incidences positives pendant quelques semaines sur la région qui a connu une certaine « accalmie » dans le trafic. Devant cette situation, note l'auteur de la lettre, « la mafia locale a commencé petit à petit à reprendre ses esprits et a entrepris un travail de déstabilisation à mon encontre et à l'encontre du wali qui a été muté avant moi à la wilaya de Annaba ». L'ex-divisionnaire va plus loin et affirme que tous les ennemis de l'équipe ont tout fait pour rejoindre l'entourage du nouveau wali. Ce dernier, dit-il, « se plaint tout le temps » de son travail, notamment « lors des visites de personnalités » à Tlemcen.
« Mon incarcération est un plan préparé par la mafia locale »
« Sa première action était d'annuler un projet de construction de dix sûretés urbaines, cinq en intra-muros et cinq en extra-muros. Ces structures étaient programmées par son prédécesseur et étaient prêtes à être lancées. Il a même voulu reconvertir la sûreté de la daïra de Zouia en siège d'APC. Il a à ce titre empêché la police de s'y installer et c'est grâce à notre résistance qu'aujourd'hui cette structure existe. Faisant des déplacements quotidiens, il n'hésite pas à exiger une escorte conséquente et des motards même pour sa prière. En quelques mois seulement, il a rendu visite à toutes les mosquées de la wilaya. Tous les cadres qui lui ont résisté ont fini par être remplacés. Pour écarter un responsable qui briguait un poste à l'échelle nationale et placer quelqu'un parmi ses connaissances, il n'a pas hésité à me demander de lui adresser un rapport et faire ressortir des faits inexistants qui touchent à son honneur et à celui de sa famille. Mon refus l'a mis dans tous ses états. Ces faits ont été consignés dans un rapport que j'ai adressé à la DGSN et confirmés par un rapport similaire des responsables du service des renseignements généraux. Il n'a pas hésité, de connivence avec un responsable d'un service de police installé à Tlemcen, à écrire une lettre anonyme à mon encontre adressée au DGSN et au ministère de l'Intérieur. J'ai écrit un rapport à mes supérieurs pour leur expliquer avec preuves à l'appui ce qui se cachait derrière cette lettre. Ce rapport a été suivi d'une audience auprès du DGSN au cours de laquelle j'avais demandé mon déplacement mais pour des raisons qui lui sont propres, le DGSN a refusé ma demande disant que je n'avais pas atteint la période statutaire de quatre ans. » Il précise que durant son absence de 15 jours, au cours de laquelle il a effectué une omra, des faits majeurs ont précipité les événements. « D'abord une distribution de tracts à l'échelle locale et nationale dénonçant les agissements du wali et l'arrestation par les services de police de 19 Marocains en situation irrégulière qui travaillaient pour le compte de la wilaya et étaient hébergés à la cité universitaire. Le wali m'a imputé ces faits et exigé mon départ auprès des autorités. » M. Snouci souligne qu'il est le 5e chef de la sûreté de wilaya relevé de son poste par le supérieur. Pour lui, cette situation a profité à la contrebande qui a connu une ascension fulgurante, précisant qu'une station d'essence au niveau de la frontière génère un bénéfice net quotidien de 4 millions de dinars. « Malgré toute la volonté du pouvoir à enrayer ce phénomène, la mafia locale est de loin beaucoup plus puissante et ce sont des centaines de tonnes, pour ne pas dire des milliers de marchandises qui traversent quotidiennement nos frontières vers le Maroc, générant ainsi des richesses inimaginables qui font la puissance et la force de la mafia. Celle-ci s'intéresse maintenant aux différents responsables et à tous les niveaux qu'elle peut limoger facilement et par tous les moyens s'ils ne ‘‘coopèrent pas'', et peut un jour, si elle n'est pas stoppée dans son élan, relever même des ministres. Mon éviction à la tête de la sûreté de la wilaya de Tlemcen n'est en fait qu'un plan bien préparé par la mafia locale. Un rapport explicatif a été établi par mes soins et remis au DGSN qui m'avait répliqué qu'il n'avait rien à me reprocher et que je serais repris dans les mois à venir. Aucune commission d'enquête n'a été dépêchée pour vérifier les allégations infondées faites à mon encontre. » Des révélations très graves qui méritent que toute la lumière soit faite sur les vrais parrains de la drogue et de la contrebande à Tlemcen. Pour de nombreuses sources très au fait de la situation, l'affaire des 2,6 quintaux de kif saisis à Maghnia n'est que le résultat d'une lutte de clans rivaux de narcotrafiquants, et dont les tenants et les aboutissants ne sont toujours pas dévoilés par la justice. Affaire donc à suivre...


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