Cette affaire avait défrayé la chronique en mai 2003, provoqué la chute du groupe BCIA et engendré un préjudice à la BEA, estimé par le parquet d'Oran à plus de 13 milliards de dinars. Parmi les 57 accusés cités à comparaître aujourd'hui pour dilapidation et complicité, 37 sont en détention provisoire, 7 sous contrôle judiciaire, 2 en liberté provisoire et 11 en fuite. Parmi ces derniers, 3, dont le président fondateur du groupe, Ahmed Kherroubi, sont sous le coup d'un mandat d'arrêt international. La France vient d'en extrader un. Une centaine d'avocats seront présents au procès de cette affaire où la BEA s'est constituée partie civile. Dans une déclaration à l'APS, le procureur général près la cour d'Oran, M. Zeghmati, a déclaré que « la teneur des réquisitions à réserver à l'encontre des mis en cause sera proportionnelle au préjudice subi. Nous défendrons les intérêts de la société avec toute la rigueur de la loi », précisant que « les accusés encourent jusqu'à dix ans de prison ferme ». Par ailleurs, s'agissant de la possibilité de report de ce procès eu égard au fait que 4 des mis en cause ont de nouveau interjeté appel auprès de la Cour suprême, le magistrat a rappelé qu' « il appartient au tribunal de se prononcer pour leur jugement ou pour le report de leur procès ». Ce procès intervient au moment où, de son son exil, en France, Ahmed Kherroubi, président fondateur de la banque privée, a engagé une bataille avec le parquet d'Oran, qu'il suspecte d'avoir violé la procédure. Dans une lettre adressée au ministre de la Justice, il a appelé à une commission d'enquête parlementaire indépendante pour faire la lumière sur le scandale. Il a accusé le parquet d'Oran d'avoir censuré la Cour suprême, alors que celui-ci n'a cessé de déclarer que le traitement du dossier n'est pas en violation du code de procédure pénale. A travers cette affaire, a déclaré M. Kherroubi, « certains fonctionnaires liés à l'affairisme, dans l'ombre, veulent par institutions judiciaires interposées détruire la vie d'un homme qui n'a rien à se reprocher ». Dans la longue lettre écrite en son nom, par son avocat, et adressée à la rédaction, Ahmed Kherroubi a expliqué que son silence autour de cette affaire « a servi à certains pour bafouer l'honneur de la famille et à perpétrer des actes attentatoires répétés à nos droits civiques... ». Il a « la malveillance caractérisée » dans le déroulement de l'instruction de son affaire. Pour preuve, a-t-il déclaré, le pourvoi formulé par mon avocat n'a pas été transmis à la Cour suprême depuis le 13 septembre 2005, soit plus d'une année, au lieu des vingt jours qu'accorde la loi pour que le ministère public fasse parvenir le dossier. « Aucune explication ne peut justifier cet abus qui vient se greffer aux nombreux manquements et confirmer l'atteinte à la règle de droit par le procureur général près la cour d'Oran, manifestement inspiré par une hiérarchie qui ne tient pas compte des principes élémentaires de procédure ». M. Kherroubi a précisé par ailleurs avoir saisi, le 27 août dernier, le ministre de la Justice, « mais aucune suite n'a été donnée ». De ce fait, a-t-il noté, la Cour suprême « s'est retrouvée dépouillée de ses prérogatives et censurée en toute impunité (...) ceci révèle les conditions qui entourent une procédure d'instruction orientée outrageusement où le droit d'être entendu m'a été dénié pour me déclarer illégalement en fuite. Malgré plusieurs lettres et certificats médicaux adressés, depuis mon lit d'hôpital d'Alger en son temps, le juge d'instruction chargé de cette affaire à Oran, pour l'envoi d'une commission rogatoire, celle-ci m'a été refusée et ignorée. Ce qui a fait croire au juge qu'il était légal de décerner un mandat d'arrêt, que la chambre d'accusation s'est empressée de confirmer le 3 juillet 2005, pour me renvoyer devant le tribunal criminel, sans aucune discussion sur les requêtes envoyées et les documents fournis. Ce même mandat d'arrêt que confirmait une attestation du juge d'instruction a été pris sur intervention, pour être exhibé par la BEA à l'étranger ». M. Kherroubi a noté que cette situation « inédite » appelle, selon lui, à une urgente et claire intervention du ministre de la Justice, pour faire respecter la procédure dans l'intérêt de la crédibilité de la justice, parce que, a-t-il expliqué, le voir disparaître, avec lui les actionnaires non informés du déroulement de la liquidation, favoriserait la prise de possession illégale et définitive de la BCIA entre les mains du liquidateur désigné unilatéralement par la commission bancaire. « Il y a là un non-sens juridique, de prébendiers (...) En l'état actuel des choses, je demeure fort dans l'enceinte de ma conscience pour n'avoir commis aucune infraction, ce que d'ailleurs a reconnu l'expert désigné par le juge d'instruction dans un premier rapport, ni avoir touché à un seul centime de ceux ou celles qui ont fait confiance à la BCIA. » Elle porte sur des effets de commerce telles les traites ou lettres de change avalisées par la BCIA pour être escomptées par la BEA. Elle a éclaté à la suite d'un dépôt de plainte par la direction régionale de la BEA contre les responsables de la BCIA après qu'il fut établi que cette dernière banque n'était plus en mesure d'honorer ses engagements de rembourser les retraits effectués par les titulaires de comptes à la BCIA auprès de deux agences de la BEA. Au tout début de l'enquête, 68 personnes ont été inculpées dans le cadre de l'instruction, dont 10 ont bénéficié d'un non-lieu.